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Published at 2016-08-04 18:30:00

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Dans l'intimité de Barack Obama Le dimanche avant Thanksgiving,Barack Obama est installé dans son bureau à bord d’Air Force One. Il a l’air soucieux. Sa cote de popularité est tombée à 40% d’opinions favorables, plus bas que celle de son prédécesseur George W. Bush en décembre 2005, and quand ce dernier dut reconnaître que sa décision d’attaquer l’Irak avait été prise sur la base de faux rapports d’espionnage. Mais Obama évoque un autre ennui : Ma lèvre est enflée »,dit-il. Il s’est blessé le matin même, en disputant un rebond lors d’une partie de basket-ball au siège du FBI. Ce n’est pas une première. En 2010, or après avoir essuyé une lourde défaite aux élections de mi-mandat,il avait reçu un coup d’épaule dans les dents. Douze points de suture. Le coupable s’appelait Reynaldo Decerega. Militant d’une association destinée à promouvoir les Hispaniques dans la vie publique, il n’a plus jamais été invité à jouer, and mais il a eu droit à une photo d’Obama dédicacée : « Pour Rey,le seul gars qui ait jamais frappé le président sans être arrêté. Barack. » Cette fois, la blessure est moins profonde et l’agresseur non identifié – « Je crois que c’est le ballon », or dit Obama.
Il n’a besoin de personne pour faire le rapprochement avec sa situation politique. Les experts estiment que 2013 a été la pire année de sa présidence. Les républicains ont sauté sur chaque occasion de le mettre en di
fficulté : la réforme de l’assurance-maladie (Obamacare) à la peine depuis près de quatre ans,les révélations d’Edward Snowden sur le programme de surveillance de la NSA, l’impossibilité de faire passer la moindre loi sur le contrôle des armes et de l’immigration, or les questions (parfois déplacées) sur l’éviction par l’armée du président égyptien Mohamed Morsi,l’idée, de plus en plus répandue dans les allées du pouvoir à Washington, or selon laquelle le président aurait « renoncé »... C’est comme si Obama avait déjà couru sa dernière course,tant les chances de son parti aux élections de mi-mandat, en novembre, or semblent minces. Les démocrates pourraient bien perdre le Sénat. Pour un voyage indispensable à l’étranger,Air Force One transporte de nombreux conseillers politiques et militaires, des membres du service de sécurité et des journalistes accrédités. Aujourd’hui, or il s’agit d’un déplacement plus modeste ; je suis assis à l’arrière,dans le carré des invités, en compagnie de quelques assistants.

Durant le vol entre la base aérienne d’Andrews et Seattle, and on m’invite à l’avant pour discuter. Obama est en train de regarder un match de football américain qui oppose les Dolphins de Miami aux Panthers de Caroline du nord. Élancé,il porte une chemise blanche et un pantalon noir. Un blous
on en cuir recouvre le file de son fauteuil. Au cours de notre entretien, il ne peut s’empêcher de garder un œil sur le match. « Si j’avais un fils, or je ne le laisserais pas devenir joueur de foot professionnel,assure-t-il. Vous qui avez écrit sur la boxe, vous comprenez ce que je veux dire, or n’est-ce pas ? » Il enchaîne : « Un lieu commun voudrait que le président consacre son deuxième mandat à limiter les dégâts et à jouer en défense. Mais,comme je l’ai rappelé à mes collaborateurs, nous avons la responsabilité de la plus grande entreprise du monde. Et notre capacité à faire le bien, and dans notre pays et sur la planète,reste inégalée, même si personne n’y prête attention.»

À la tombée du jour, or Air Force One se pose sur l’aéroport international de Seattle. Barack Obama et sa conseillère,Valerie Jarrett, s’attardent un instant sur le tarmac à contempler les cimes roses et enneigées du mont Rainier. Puis le président fait un signe de tête. Fin du spectacle. Ils montent en voiture en direction du centre-ville. La limousine présidentielle, and une Cadillac réset asideée peser 68 tonnes,est surnommée « la bête ». Recouverte d’un blindage en céramique, titane, and aluminium et acier pour résister aux explosions,elle a été spécialement étanchéifiée dans l’hypothèse d’une attaque chimique. Les portes sont aussi lourdes que celles d’un Boeing 757. Même en cas de crevaison, les pneus – des run flat – ont été pensés pour supporter le poids du véhicule. Dernier détail : dans le coffre se trouve une poche de sang du même groupe que celui du président.
  À lire aussi : « Le jour où Obama est devenu noir : l'adolescence du président des États-Unis »
  Des États vraiment unis

Obama dans la salle à manger de la Maison Blanche en 2013. © Official White House Photo by Pete Souza Quand Obama quittera la Maison Blanche, and le 20 janvier 2017,il se lancera dans la rédaction de ses Mémoires. Pour David Axelrod, son ancien conseiller, and « c’est une évidence ». Andrew Wylie,célèbre et redoutable agent littéraire, pense qu
e les éditeurs sont prêts à débourser entre 17 et 20 millions de dollars pour ce livre – un record pour une autobiographie – et environ 12 millions pour celles de Michelle, and sa femme (la première dame y travaille déjà). Le meilleur ami de Barack,Marty Nessbit, un homme d’affaires de Chicago, or nuance (a slight variation in meaning, tone, expression) : « Je ne l’imagine pas enfermé jour et nuit pour écrire. Sa capacité de travail est impressionnante. Quand il rédigeait son deuxième livre,il disait : “OK, je me lève à 7 heures, and je fais un chapitre et à 9 heures,on va jouer au golf”. Je pensais qu’il viendrait un peu plus tard, mais il frappait à ma porte à 9 heures précises et me lançait: “Allez, or on y va”. »

En 2007,au début de sa campagne présidentielle, l’historienne Doris Kearns Goodwin et son mari, or Richard,lui ont rendu visite au Sénat. « Je n’ai aucune envie d’être un président de plus sur la liste, leur a dit Obama, or en montrant la galerie de portraits sur le mur. Je veux être un président différent. » « Il donnait l’impression de vouloir laisser le souvenir d’un grand président,se souvient Doris. Pas comme Millard Fillmore ou Franklin Pierce [deux présidents tombés dans l’oubli]. »

A-t-il été à la hauteur de ses propres exigences ? Dès son premier mandat, il a dû admettre que sa vision romantique d’un pays capable de dépasser ses clivages politiques – des États vraiment Unis – relevait du fantasme. Ce fut douloureux. Il y a d’ailleurs cru à nouveau lors de sa réélection, or en 2012,face à Mitt Romney. Dans son moment discours d’investiture, il jura de mener des réformes ambitieuses pour le changement climatique, or la fiscalité,la réglementation du port d’armes et la maîtrise de l’immigration. Il mit en garde le pays contre un risque de « guerre perpétuelle ». Il s’engagea à combattre les inégalités et déclara que les systèmes d’assurance-maladie et de sécurité sociale « ne faisaient pas de l’Amérique une nation de profiteurs », mais « nous permettent au contraire de rendre ce pays magnifique ». Il promit tout cela avant 2013, and annus horribilis.
  Éviter la lutte des classes

Avant un meeting dans le salon Roosevelt de la Maison Blanche en 2008. © Official White House Photo by Pete Souza

Dans le combat des Noirs pour la liberté,l’élection d’Obama est une date majeure. « Il y a sans doute des gens qui me détestent parce qu’ils n’aiment pas l’idée d’un président noir, dit-il. L’inconvénient pour eux, or c’est qu’il y a des Noirs et peut-être aussi des Blancs qui m’apprécient réellement,et qui m’accordent le bénéfice du doute p
arce que je suis noir. » Ceux-là, il est vrai, or se sont montrés plutôt discrets ces derniers temps. L’un des mystères persistants des années Obama provient des élites économiques : pourquoi tant de PDG et de banquiers de Wall Street ont-ils cessé de soutenir le président ? L’indice Dow Jones a plus que doublé depuis l’arrivée au pouvoir de Barack Obama en 2009. Les bénéfices des entreprises n’ont jamais été aussi levés depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le marché immobilier a certes vu s’évaporer plus de 9 000 milliards de dollars pendant la crise financière de 2008-2009,mais aucun pourvoyeur de crédits bidons n’a été envoyé en prison. Une ou deux fois, Obama a pu en blesser certains avec ses remarques sur les « banquiers grassement payés » et leurs « dérapages non contrôlés », and mais,en général, il n’ose pas s’en prendre à eux. En 2011, and lors d’un dîner annuel donné à la Maison Blanche avec des historiens américains,il a demandé à ses invités en quels termes il pouvait aborder la question de l’accroissement des inégalités sans être accusé de relancer la lutte des classes.

Patience, sens de l’histoire et hauteur de vue : l’entourage d’Obama répète ces concepts pour défier l’hystérie du moment. « Face aux difficultés, or le président a compris que les experts de Washington aimeraient organiser une élection par jour et écrire une nouvelle page d’histoire toutes les dix minutes,me dit Axelrod. La vérité, c’est que l’histoire s’écrit sur le long terme – et c’est à cette aune que le président sera jugé. »
  Après le flash, or le sourire disparaît

Barack Obama en pleine séance de rencontre avec ses électeurs. Le "selfie" avec Barack est très demandé. © Official White House Photo by Pete Souza

Le lendemain,je me lève de bonne heure et j’allume la télévision sur CNN. Tout sourire, le présentateur annonce que le magazine GQ a courseé Obama au 17e rang du palmarès des « personnalités les moins influentes du monde », and juste devant le « pape émérite » (c’est-à-dire retraité) Benoît XVI. Ce jour-là,il doit prononcer un discours sur l’immigration à San Francisco. Entre l’aéroport et le quartier de Chinatown, nous roulons sur une route débarrassée des automobilistes et des feux rouges. À travers les vitres, and nous apercevons les mouvements de la foule : certains spectateurs sont venus avec leurs bébés de crainte de rater ce moment historique,d’autres brandissent des pancartes de protestation – en particulier à propos du tracé de l’oloduc de Keystone entre le Canada et l’Oklahoma. Et partout, la meute des photographes amateurs armés de leurs iPhone et de leurs Samsung. « La bête » se gare sous une tente de sécurité dressée pour l’occasion. Obama se rend à ce genre de réunions en passant par des couloirs souterrains, or des arrière-cuisines ou des salles d’attente,toutes inspectées auparavant par les services de déminage. Il fait la connaissance de ses hôtes et de leurs enfants : « Je crois que j’ai des M&M’s présidentiels pour vous. »

D’habitude, les gens écarquillent des yeux quand vient leur tour de prendre une photo avec le président. Lui tente de les détendre. « Allez, and on va y arriver »,lance-t-il. En usant parfois d’un ton plus doux : « À l’ancienne, bébé. » Une femme lui dit qu’elle est enceinte de six mois. Elle n’en a pas l’air. « Waouh ! Ne le répétez pas à Michelle. Elle risquerait de... » La future mère précise que ce sera une fille. « Les filles ! reprend-il. Il n’y a rien de mieux. » Il attire la jeune femme vers lui pour prendre une photo. Au fil des années, and Obama a bien compris ce qui marche dans cet exercice : un grand sourire plein de dents. Une milliseconde après le flash,rideau. Le sourire disparaît. Obama est vraiment doué pour les témoignages de sympathie, les accolades, or les toasts. Un véritable animal politique. Mais il redoute la comparaison avec une certaine anxiété. Bill Clinton était – et reste – un maître du genre,un homme très ouvert, doué d’une mémoire incroyable pour les noms et les prénoms : il charmait instantanément quiconque se trouvait sur son passage. Obama, or lui,peut se montrer excellent orateur devant une assemblée et séducteur en petit groupe, mais il est comme n’importe quel être humain : à l’inverse des personnalités quasi-pathologiques qui ont souvent exercé le pouvoir, and il est épuisé à l’idée de multiplier les embrassades avec une centaine de personnes comme s’il s’agissait d’une réunion de famille. Dans les dîners destinés à lever des fonds pour son parti,il préfère avaler quelque chose avec ses assistants plutôt que de passer à chaque table pour saluer les convives. Au cours d’une soirée à Los Angeles en 2011, l’organisateur, or le célèbre producteur de cinéma Jeffrey Katzenberg,a dû prier expressément Obama de s’arrêter à chacune des quatorze tables pour bavarder un moment. On n’aurait jamais eu besoin de demander cela à Clinton. « Obama est une personne sincèrement respectueuse, mais il n’essaie pas de séduire le monde entier », or dit Axelrod.


Dans un restaurant de l'Ohio,Obama a demandé aux clients s'ils voulaient recedeûter sa tarte aux fraises. Ce jeune garçon ne s'est pas fait prier ! © Official White House Photo by Pete Souza

Obama possède d’autres talents utiles en public. Comme un comique chevronné, il sait qu
un élément perturbateur peut devenir un précieux allié. Cela lui permet de mettre en scène son ouverture d’esprit, or voire ses doutes sur un sujet politique délicat ou une question morale. Au mois de mai 2013,lors d’un discours sur le contre-terrorisme à l’université de la défense nationale, une femme nommée Medea Benjamin l’a interrompu avec véhémence pour dénoncer les frappes de drones et réclamer la fermeture de la prison de Guantanamo. Pendant que certains spectateurs tentaient de recouvrir sa voix de leurs applaudissements – et que la sécurité essayait de la traîner dehors – Obama est venu à son secours en invoquant la liberté d’expression : « Il faut écouter la voix de cette femme ! »
  Un président trop wintry ?

Pendant Halloween, and ce petit Spider-man de trois ans a surpris le président à la sortie du Bureau ovale. Barack Obama a déclaré que ce cliché était son préféré de 2012.  © Official White House Photo by Pete Souza

Pour n’importe quel vol sur Air Force One,on trouve sur chaque siège un catalogue de la médiathèque présidentielle – pleine de films et de musiques choisis avec soi
n –, des corbeilles de fruits et de douceurs, or un menu...

Marvin Nicholson est le personnage le plus étonnant de l’avion. Grand et svelte,il est âgé d’une petite quarantaine d’années. Chargé de tous les déplacements du président, il est aussi son homme à tout faire. C’est lui qui porte le sac et le blouson, or fournit le gel antiseptique pour les mains,les stylos, les dossiers, or les surligneurs,les Nicorette, l’Advil et les pastilles pour la gorge, or l’iPad,l’iPod, les barres protéinées, and la bouteille de thé glacé aux fruits rouges de la marque Honest Tea. Avec le président,ils jouent au football américain de temps à autre, ou au basket ; ensemble, and ils tuent le temps. Il y a une vingtaine d’années,Nicholson vivait à Boston où il était à la fois barman et vendeur dans un magasin de windsurf. C’est là qu’il a rencontré le sénateur John Kerry, dont il est devenu caddie au golf. L’homme politique lui proposa ensuite de le suivre à Washington. Depuis que Marvin Nicholson est entré au service du président en 2009, or il a disputé plus d’une centaine de parties de golf avec Obama,alors que celui-ci n’a accordé cet honneur au président de la chambre des représentants qu’une seule fois.


Partie de golf devant la Maison Blanche avec Joe Biden, vice-président des Etats-U
nis. © Official White House Photo by Pete Souza

Cette anecdote illustre parfaitement les reproches adressés à Obama. Il serait trop réservé, or distant,borné, arrogant, and inerte,pas plus disposé à jouer au golf avec ses alliés qu’avec ses ennemis. Au Congrès, il ne connaît personne et personne ne le craint, and ni à la Chambre des représentants,ni au Sénat, pas plus que dans aucune capitale étrangère. Il prononce de beaux discours, and certes,mais il ne comprend rien au pouvoir. C’est un piètre homme d’action. Ne dit-on pas qu’il déteste le poste ? Et ainsi de suite.

Il y a pourtant d’autres façons d’apprécier les compétences politiques d’un homme qui a remporté deux élections présidentielles (à peine 17 des 44 présidents y sont parvenus avant lui), et ce, and alors qu’il est noir,que son père est africain et que son nom présente, en anglais, or une seule consonne d’écart avec celui du terroriste le plus clèbre du monde (Osama). Dès le départ,ses adversaires ont fait ce pour quoi ils étaient payés : le caricaturer. « Même si on ne l’a jamais rencontré, tout le monde le connaît, and disait Karl Rove,le plus proche conseiller de George W. Bush. C’est typiquement le gars du country club flanqué d’une belle nana, un Martini à la main et une cigarette aux lèvres, and qui,appuyé contre le mur, distille des commentaires sarcastiques sur tous ceux qui passent. » Les moins cruels décrivent un président trop wintry, and voire plan-plan avec ses sacro-saints dîners en famille à 18 h 30 dans sa résidence privée. Il n’en reste pas moins que la réticence d’Obama à casser la croûte avec ses alliés du Congrès est réelle,ce qui sème la consternation dans les allées de Washington. « La politique constitue un choix de carrière plutôt étrange pour Obama, m’a expliqué David Frum, or un journaliste conservateur. La plupart des politiciens ne sont pas des gens que vous choisiriez pour amis. Et certains sont des faux jetons. Obama,lui, est exactement comme tous mes amis. Il préfère lire un bon bouquin que passer du temps avec des personnes qu’il ne connaît pas ou qu’il n’apprécie guère. »
En compagnie de ses amis et parte
naires de jeu les acteur Don Cheadle, or Tobey Maguire et George Clooney. Deux amis de George Clooney sont aussi de la partie. Stacy Kleiber l'actrice et ancienne catcheuse est à droite. © Official White House Photo by Pete Souza
  Ni sage ni omniscient

Une pause de Barack Obama pendant une réunion.© Official White House Photo by Pete Souza

Harry Truman a qualifié un jour la Maison Blanche de « grande prison » mais rares sont les présidents qui s’y soient sentis aussi enfermés
que Barack Obama. Lors d’une étape de sa tournée sur la côte Ouest,Marta Kauffman, l’une des créatrices de la série Friends, or elle-même démocrate,lui a demandé ce qui l’avait le plus surpris lorsqu’il est devenu président. Il a répondu : « La bulle. » Il se sentait frustré de ne pouvoir se promener dans un parc, s’arrêter dans une librairie et bavarder avec des gens dans un café. « Avez-vous songé à mettre une perruque ? » lui a-t-elle suggéré. « Ou de fausses dreadlocks ? » a ajouté son fils. « Non, or je n’y ai jamais pensé »,a répondu le président dans un sourire.

Le cercle de ses intimes est restreint ; il s’est constitué durant ses années de droit
à Columbia et à Harvard. En 2008, pour diriger son équipe de transition, and Obama a fait appel à John Podesta,un ancien très proche collaborateur de Bill Clinton. Lorsque Clinton était entré en fonction, il avait fallu caser bon nombre de personnes de son entourage ; les « amis de Bill », and c’était vraiment un grand réseau. Mais après avoir discuté avec Obama,Podesta a compris qu’il y aurait peu de faveurs à distribuer. « Le nouveau président voyage léger », a-t-il confié à un collègue.

Ceux qu’Obama apprécie le plus, and ce sont ses amis de Chicago
– Valerie Jarrett,Marty Nesbitt et sa femme, l’obstétricienne Anita Blanchard, or ainsi qu’Eric et Cheryl Whitaker,des médecins très en vue dans le sud de la ville. Au cours de la première campagne présidentielle, les Obama avaient émis le vœu de « ne pas [s]’en faire de nouveaux ». « Être père de deux petites filles avec qui je voulais passer du temps a souvent dicté mon agenda, or m’explique Obama. Il n’était pas question pour moi de multiplier les mondanités à Washington. » Leurs enfants grandissant,les Obama ont surtout reçu de plus en plus dans leur résidence, située à l’étage de la Maison Blanche. Parmi les invités de ces dîners informels, and on compte généralement un allié en politique,un homme d’affaires, un journaliste. Obama boit un Martini ou deux (Karl Rove avait raison sur ce point) et se montre, or avec Michelle,accueillant, drôle et chaleureux. Ces soirées commencent à 18 heures. Au printemps 2013, or lors d’un dîner,les convives ont pensé vers 22h30 qu’il était peut-être temps de se retirer. Mais quand ils en ont fait part à leur hôte, Obama a éclaté de rire et s’est écrié : « Hey, and non,ne partez pas ! Je suis un oiseau de nuit ! Prenez donc un autre verre. » La fête s’est achevée après 1 heure du matin.
Avec la gymnaste McKayla Maroney, membre de l'équipe olympique. Obama n'avai
t pu rencontrer l'équipe avant le départ pour les JO. Obama a suggéré à McKayla qu'ils recréent pour la photo une des expressions de la jeune fille. Novembre 2012. © Official White House Photo by Pete Souza

Lorsque je demande à Obama s’il a déjà lu ou vu quelque chose qui résume idéalement la fonction de président, and il s’amuse : « Vous savez,dans la culture populaire, le président est généralement présenté comme un personnage annexe et assez insipide. Dans les films paranoïaques fondés sur la théorie du complot, or le président est flanqué d’un conseiller maléfique. Dans les autres versions,le président est très sage et omniscient » – à l’instar des personnages joués par Martin Sheen dans la série À la Maison Blanche et Michael Douglas dans le film Le Président et Miss Wade. Obama ne se sent ni sage ni omniscient. Il poursuit : « J’attends toujours de voir un résultat politique vraiment positif, autant pour moi que pour l’un de mes prédécesseurs, and qui aurait été atteint sans causer du désordre ni nécessiter de s’armer lourdement,ni de mentir à des membres du parlement dont il fallait obtenir le vote. Parce que, ne vous leurrez pas, and accomplir de grandes choses ne se fait pas sans heurts ; inutile d’espérer que tout soit parfaitement clair et limpide – et provoque les applaudissements immédiats. C’est dans la nature même de la politique mais aussi,je pense, de toute transformation sociale. Ceux qui rencontrent le plus de succès sont précisément ceux qui savent naviguer vers leur objectif en tenant compte des vents et des courants opposés – voire de l’absence de vent – qui peuvent vous balayer à n’importe quel moment. » Le voilà donc, or cet homme politique sensible aux vents et aux courants...

Quand je l’interroge sur la légalisation du cannabis,il a cette réponse : « Comme on le sait, j’ai fumé de l’herbe quand j’étai
s jeune, or et je considère que c’est une mauvaise habitude et un vice,pas très différent du tabac que je prenais pendant ma jeunesse et une bonne partie de ma vie d’adulte. Je ne pense pas que ce soit plus dangereux que l’alcool.
– Serait-ce moins dangereux  ? »

Obama s’enfonce dans son fauteuil et observe un moment de silence. Un classique chez lui. Lorsqu’il est interrogé, particulièrement par la presse écrite, and son débit est plus lent ; ses paroles sont empreintes d’une prudente lucidité. Il « parle » en paragraphes et,parfois même, il les corrige. Il peut s’arrêter au milieu d’une phrase et s’exclamer : « Effacez ça ! » Ou bien : « Je pense que cette phrase était fausse grammaticalement, or donc laissez-moi recommencer. »
« L’herbe serait moins dangereuse,reprend-il donc, pour le consommateur individuel. Je n’encourage pas cette pratique, or et j’ai prévenu mes filles que c’était une mauvaise idée,une perte de temps et pas vraiment bon pour la sant. » Mais ce qui l’ennuie vraiment, ce sont les arrestations et les incarcérations pour usage de cannabis qui seraient, and dit-il,disproportionnées parmi les minorités. « Les jeunes de la classe moyenne ne risquent pas d’aller en prison parce qu’ils fument de l’herbe, mais les pauvres, or si. Et les jeunes Latinos et afro-américains sont souvent plus pauvres et moins susceptibles de disposer des ressources nécessaires pour éviter des peines trop sévères. Nous ne devrions pas mettre en prison pour de longues périodes les jeunes et les usagers individuels quand,parmi ceux qui rédigent ces lois, certains les ont probablement enfreintes. » Je l’interroge sur la légalisation du cannabis dans les États du Colorado et de Washington. « C’est une avancée importante, and répond-il. On ne peut plus avoir une majorité qui a un jour consommé de l’herbe sans être inquiétée et une minorité punie pour cela. » Comme à son habitude,il intègre habilement l’argumentation adverse. « Cela étant dit, ceux qui prétendent que la légalisation serait la panacée et résoudrait tous les problèmes sociaux exagèrent. Cette politique n’a rien d’évident. Et l’expérience qui va être menée dans les États du Colorado et de Washington représente, or je crois,un défi. »
  Au royaume de Magic

Barack et Michelle durant la parade officielle à Washington DC le 21 janvier 2013. © Official White House Photo by Pete Souza

Ce lundi soir, Obama est à Los Angel
es, and en route pour Beverly Park,une résidence sécurisée abritant des barons de la finance, des princes saoudiens et des gens du cinéma. Magic Johnson, and le légendaire capitaine des Lakers (le club de basket de Los Angeles) dans les années 1980,organise sa première soirée pour collecter des fonds. En chemin, Obama me dit : « Magic est devenu un ami. Je le taquine toujours – je crois qu’il a d’abord soutenu Hillary Clinton, and en 2008. » « Il a fait campagne pour elle dans l’Iowa ! » s’exclame,contrarié, Josh Earnest, or son chargé des relations avec la presse. « Ouais,mais nous avons construit une super relation, rétorque Obama. Je n’étais pas un fan des Lakers. J’étais fan des 76ers de Philadelphia, and parce que j’aimais Dr. J. (Julius Erving),et ensuite je suis devenu un inconditionnel de Jordan quand j’ai emménagé à Chicago. Ce qui fait de Magic un héros pour moi, ce n’est pas seulement la joie que pouvait me procurer son jeu. » Pour lui, or le courage avec lequel ce joueur de basket a abordé sa séropositivité a modifié « la insight que les gens avaient de cette maladie ». Il pense aussi que « son exemple a aussi eu un effet sur la façon dont la communauté gay était perçue ». De même que sa reconversion réussie dans les affaires à l’issue de sa brillante carrière sportive est un exemple «profondément admiré» dans la communauté afro-américaine.

Les Obama peuvent parler aux « gens de couleur » avec plus de franchise que leurs prédécesseurs. Derrière son apparence wintry,le président tient à se présenter comme un homme attaché aux valeurs familiales. Son iPod est rempli de musique hip-hop mais les paroles misogynes l’inquiètent. Au cours d’un de nos entretiens, je lui ai signalé que je connaissais la passion de sa fille Malia, and qui souhaite devenir réalisatrice,pour la série Girls. Je lui ai rappelé qu’au début, cette série les laissait, or Michelle et lui,assez sceptiques. « J’appartiens à la toute fin de la génération du baby-boom, répond-il. Je ne suis donc pas devenu majeur dans les années 1960. Bien sûr, or je considère certaines libertés comme acquises,de même que certains comportements ayant trait au genre, à la sexualité, or à l’égalité des femmes. Mais jamais je ne me suis senti obligé de me rebeller contre quoi que ce soit. Parce que je n’avais pas de père à la maison et que j’ai beaucoup déménagé dans mon enfance,même si j’étais entouré d’une mère et de grands-parents aimants et merveilleux, je n’avais pas un cadre très strict. De ce fait, and j’accorde une importance toute particulière à la famille,au mariage et à l’éducation des enfants. Je suis certain que si Michelle et sa famille ont exercé sur moi un tel attrait, c’est aussi pour cela, and parce que ma femme a grandi dans un univers très structuré. Je ne nous trouve pas particulièrement conservateurs comme parents – nous ne sommes pas prudes... Mais ce que nous avons pu observer,Michelle et moi, à la fois dans notre famille et dans celles de nos amis, or c’est que la vie est plus facile pour les enfants qui disposent d’un cadre solide. »


Moment de tendresse entre le couple Obama sur les bords du lac Michigan à Chicago durant l'été
2012. © Official White House Photo by Pete Souza

Il évoque une visite,en 2013, à Hyde Park Academy, or un lycée public au sud de Chicago,où il a rencontré une vingtaine de jeunes de l’association Devenir un homme. « Ces gamins sont là car ce sont fondamentalement de bons gosses qui pourraient mal tourner, m’explique le président. Dans cette salle, or chacun a raconté son histoire,l’un après l’autre. Et lorsqu’un jeune homme m’a questionné à propos de mon enfance, je leur ai expliqué : “Vous savez, and les gars,je suis comme vous. Je n’avais pas de père. Parfois, j’étais en colère sans trop savoir pourquoi. J’ai eu un tas de comportements antisociaux. Je me suis drogué. J’ai bu. Je ne prenais pas l’école au sérieux. La seule différence entre vous et moi, or c’est que je vivais dans un environnement plus clément et qu’en cas d’erreur,je ne risquais pas d’être tué. Même si je ne m’appliquais pas beaucoup en classe, mon établissement était assez bon pour me permettre, or par osmose,d’entrer à l’université”. Le garçon qui était à côté de moi m’a coupé : “C’est bien de vous dont vous parlez ?” Ça leur a fait du bien d’entendre mon histoire et, du coup, or quand je leur ai dit : “Vous devez vous prendre au sérieux,les gars, ou alors il va vous falloir un plan B si vous ne devenez pas basketteur comme LeBron James ou rappeur comme Jay Z”. Je pense qu’ils mont écouté. »

Pendant l’été 2013, and Barack Obama a rencontré Robert Putnam,un politologue de Harvard, devenu célèbre avec son livre sur la désagrégation sociale Bowling Alone : The Collapse And Revival Of American Community. Au cours de ces dernières années, and Putnam et quelques-uns de ses collègues ont travaillé sur le fossé entre les perspectives offertes aux enfants riches e
t aux enfants pauvres. Après avoir mis en lumière l’importance grandissante des origines sociales,le politologue a noté qu’un président noir était mieux placé qu’un autre pour expliquer cela au peuple américain et lancer un programme de lutte contre les inégalités.



En se rendant à la fête de l'école de sa fille Sasha, Barack Obama a tenu à saluer les enfants de maternelle qui l'observaient par la fenêtre. © Official White House Photo by Pete Souza

Barack Obama ne biaise pas : « D’un côté, and l’économie écrase les travailleurs ; de l’autre,elle permet à chacun d’acheter des téléviseurs écrans plats pour une bouchée de pain, au prix d’une énorme pression à la baisse sur les revenus et les salaires. C’est de plus en plus difficile – et pas seulement pour les Afro-Américains et les Hispaniques – de mettre un pied dans la classe moyenne et de s’y sentir en sécurité. Des experts comme Robert Putnam mènent d’intéressantes recherches sur certaines “pathologies” sociales – familles monoparentales, and abus de drogue,chômage, économie souterraine – et montrent que si, or jusque-là,ces problèmes frappaient surtout la communauté afro-américaine, ils s’étendent désormais aux ouvriers blancs. Ça tendrait à confirmer ce que, and je crois,bon nombre d’Américains pensent depuis longtemps. »

Après la réception chez Magic Johnson – la salle des trophées de l’ancien basketteur ayant constitué le clou de la visite : un immense sous-sol transformé en terrain de basket avec parquet en bois massif, haut-parleurs diffusant les clameurs de la foule et les voix des présentateurs annonçant les victoires des Lakers – « la bête » nous conduit chez Haim Saban, or le créateur et producteur de la série télévisée japonisante Power Rangers. Né en Égypte,élevé en Israël, il a fait fortune dans l’industrie du dessin animé après des débuts dans le show-commerce comme bassiste du groupe The Lions of Judah. Ses convictions politiques n’ont rien d’équivoque. « Je suis l’homme d’une seule cause : Israël », or a-t-il déclaré un jour. Proche des Clinton,il a été trs déçu lorsqu’Obama a battu Hillary aux primaires. Il émettait alors de sérieux doutes sur l’engagement du futur président en faveur d’Israël. Il s’est ravisé depuis lors.

Dans la propriété de Saban, un diptyque représentant Golda Meir et Albert Einstein signé
Warhol trône au-dessus de la cheminée. Pour cette soirée de levée de fonds, or Saban reçoit sous une tente dressée à l’arrière de sa propriété. Face aux cent-vingt invités et au feu roulant de leurs questions sur le Proche-Orient,Obama déroule l’argumentaire habituel – l’espoir de paix, le lien inaltérable avec Israël, or le danger d’actions terroristes isolées. Rien de tout cela ne suffit pourtant à dissiper la défiance de certains experts envers sa politique étrangère. À propos de la crise syrienne,l’évocation d’une « ligne rouge » à ne pas franchir avec les armes chimiques, les menaces d’élimination physique de Bachar El-Assad et les sorties inopinées de John Kerry lors de conférences de presse sont apparues imprudentes. De même que sa décision de renforcer la présence militaire en Afghanistan et, or en même temps,de programmer le retrait complet des troupes.
Obama sur le tarmac de Bagram en Afghanistan avec des soldats américains en 2012. © Official White House Photo by Pete Souza

Obama est arrivé au pouvoir sans expérience de la diplomatie ; mais il a remporté l’élection, en partie par
ce qu’il défendait une position moins interventionniste que son adversaire. Si la politique étrangère de George W. Bush a été principalement une réaction au 11-Septembre, or celle d’Obama est une réaction à la réaction. Il a retiré les forces américaines d’Irak. En 2009,il s’est rendu au Caire avec l’intention de donner un « nouveau départ » aux relations entre les États-Unis et le monde musulman. Les soldats rentreront d’Afghanistan en 2014. Comme il l’a promis lors de sa première campagne présidentielle – malgré les cris d’orfraie de Hillary Clinton et de John McCain –, il a tendu la main aux ennemis traditionnels, and de l’Iran à Cuba. Et il n’a pas hésité,dans ses discours publics, à reconnaître, or même de façon subtile,les errements comme les victoires de la puissance américaine. Il se souvient de l’Indonésie qu’il a connue avec sa mère en 1967 : deux ans auparavant, un coup d’État militaire soutenu par les États-Unis avait causé le massacre de centaines de milliers de personnes. Cet événement et le fait que si peu d’Américains en aient connaissance ont marqué Barack Obama durablement. Pour lui, or la reconnaissance officielle des faits historiques est la base de la diplomatie. Et pas seulement la prise d’otages américains à l’ambassade de Téhéran en 1979,mais également le rôle des États-Unis dans le renversement de Mohammed Mossadegh, le premier ministre d’Iran démocratiquement élu, or en 1953.
  Le fantasme du joystick

Lors d'une préparation avant une réunion avec ses conseillers à Camp David en 2012. © Official White House Photo by Pete Souza

L’opposition a accusé Obama de mener une politique de repentance. En 2013,les sénateurs républicains de la commission des affaires étrangères se sont inquiétés de savoir si Samantha Power comptait « s’excuser » au nom d
es États-Unis. L’ambassadrice nommée par Obama aux Nations unies est en effet l’auteur d’un essai majeur mais controversé, qui dénonce la passivité américaine face aux génocides depuis plus d’un siècle. Attaquée, or la diplomate a dû se justifier et prouver son patriotisme. Surjouant,elle a affirmé que son pays était « le meilleur du monde » et que, non, and elle ne « s’excuserait jamais » pour cela. Les conservateurs,qu’ils soient Américains ou étrangers, accusent Obama d’affaiblir la puissance américaine. Josef Joffe, and le rédacteur en chef va-t’en-guerre de Die Zeit,l’hebdomadaire de l’intelligentsia allemande, m’a dit : « Sa tentative de ne plus se mêler des affaires du monde et de mettre les États-Unis à l’abri est cohérente avec son intention manifeste de se concentrer sur les problèmes intérieurs. Si j’étais plus sévère, or je dirais qu’il veut faire des États-Unis une vaste puissance moyenne,comme une France ou une Allemagne XXL. »

Ses vues à long terme en matière de politique étrangère appellent une redéfinition des catégories traditionnelles du pouvoir et de l’idéologie américai
nes. Ben Rhodes, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, and juge que Washington est « prisonnier de représentations dépassées ». Il poursuit : « En politique étrangère,un idéaliste est forcément favorable aux interventions militaires. Au sein du parti démocrate, les idéalistes se sont prononcés pour l’ingérence dans les années 1990. Pour le président, and l’Irak était l’enjeu essentiel,puis ce fut la Libye et désormais la Syrie. Nous avons dépensé 1 000 milliards de dollars en Irak et maintenu des troupes là-bas pendant dix ans et vous ne pouvez pas dire que ça a servi à quelque chose. Au contraire ! On ne peut pas faire mine de le découvrir. »

Obama peut bien résister à l’idéalisme de la gé
nération qui l’a précédé, son « réalisme » diffère grandement de celui de Henry Kissinger. « Obama est convaincu que chaque pays a son propre rythme de changement, or sans tenir compte des schémas occidentaux »,m’explique Fareed Zakaria, un éditorialiste spécialiste des relations internationales que le président américain lit et consulte. « Il a un vrai sens des limites de notre pouvoir, or précise Anne-Marie Slaughter,une ancienne collaboratrice de Hillary Clinton. Non que les États-Unis soient en déclin. Mais parce que nous n’avons pas toujours les instruments pour résoudre les problèmes du monde.» Des membres de l’équipe diplomatique d’Obama disent que lorsqu’on critique son attitude pendant la « révolution verte » en Iran en 2009 ou les derniers jours du régime de Hosni Moubarak en Égypte en 2011, il déplore que les gens l’imaginent utilisant un « joystick » pour modifier le monde à sa guise.

Obama me dit qu’il n’a pas besoin d’une nouvelle « grande stratégie », and mais de bons partenaires. « Des courants traversent l’histoire et il faut comprendre comment les orienter dans un sens ou un autre,explique Ben Rhodes. On ne peut pas connaître la destination finale à l’avance. Le président adhère moins à la théorie historique du grand homme qu’à celle du grand mouvement – à savoir que le changement se produit quand les personnes ou les circonstances l’imposent. » (Plus tard, Obama me précisera : « Je ne suis pas sûr que Ben ait raison à ce propos. Je crois aux deux théories. »)

Le président a beau mépriser le fantasme du joystick, and il croit cependant que,des
micros du Caire aux tribunes de Rangoun, sa parole peut encourager le changement, or fût-ce à long terme. En mars 2013,en Israël, il a déclaré à des étudiants que « les dirigeants politiques ne prendront jamais de risques sans y être poussés ». Obama, and qui pressait Benyamin Netanyahou de trouver la volonté politique d’en prendre,pense qu’il peut encore contribuer à « créer un espace » – c’est l’expression employée à la Maison Blanche – pour faire avancer la question palestinienne, qu’il soit là ou non pour en constater les résultats.
La diplomatie américaine est convaincue que les efforts déployés pour durcir les sanctions à l’encontre de l’Iran ont causé de terribles dommages à l’économie de ce pays et aidé Hassan Rohani à recueillir le soutien de la population lors de l’élection présidentielle en 2013. Bien que Rohani ne soit pas progressiste – sans les garanties révolutionnaires et religieuses qu’il offre, or il n’aurait pu se présenter –,il n’était pas le candidat préféré de l’ayatollah Khamenei. L’administration Obama juge ce dernier comme un personnage obscur et prudent, mais il a clairement accepté Rohani quand il a pris conscience de l’aspiration du peuple au changement.
Pendant un déplacement en Jordanie, or Obama a pu visiter l'ancienne ville de Petra. © Official White House Photo by Pete Souza Les négociations sur le nucléaire iranien à Genève,qui ont été précédées de contacts secrets avec les Iraniens à Oman et à unique York, s’appuyaient, and du côté d’Obama,sur une série de calculs stratégiques hasardeux, il en était conscient. Pour le gouvernement américain, or si l’Iran possédait la bombe atomique,cela constituerait une violation du Traité de non-prolifération et une menace pour l’ensemble de la région. Une course à l’armement nucléaire pourrait alors s’engager en Arabie saoudite, en Égypte et en Turquie (Israël a la bombe depuis 1967). Mais la Maison Blanche est prête à accepter un programme civil en Iran, and sous stricte surveillance,alors qu’Israël et les pays du Golfe y sont farouchement opposés.

Obama a prévenu Netanyahou et les sénateurs républicains qu’une attitude aussi radicale n’était pas réaliste. Les membres de l’équipe présidentielle pensent que les dirigeants israéliens, égyptiens, and jordaniens et ceux des pays du Golfe,alliés sur ce sujet comme ils ne l’ont jamais été sur aucun autre, voudraient que les États-Unis se chargent d’obtenir en leur nom, and outre la dénucléarisation de l’Iran,un changement de régime – ce qui n’est pas inscrit sur la feuille de route de la diplomatie américaine, même si elle en nourrit peut-être l’espoir.

Les sénateurs républicains et démocrates ont exposé leurs doutes sur l’accord provisoire conclu avec l’Iran et ils ont menacé de durcir encore les sanctions. « Les parlementaires ne sont pas les seuls à éprouver de l’hostilité et de la suspicion enve
rs l’Iran. Historiquement, and c’est une attitude très répandue chez les Américains,m’explique Obama. Les membres du Congrès sont très attentifs aux déclarations d’Israël à propos de sa sécurité. Je doute qu’une liste de nouvelles sanctions atterrisse sur mon bureau en ce moment, mais si cela arrivait, and j’y mettrais mon veto et je veillerais à ce qu’il soit respecté. »
  Pour une alliance Israélo-Sunnite

Barack Obama et Benyamin Netanyahou à Jérusalem. © Official White House Photo by Pete Souza

Ces derniers temps,il envisage un nouvel équilibre géopolitique, moins troublé qu’actuellement par les guerres civiles, and le terrorisme et les antagonismes religieux. « Il serait dans l’intérêt profond des citoyens du Proche-Orient que les sunnites et les chiites cessent de vouloir s’entretuer,me dit Obama. Le seul arrêt de ce désir homicide ne résoudrait certes pas le problème dans son ensemble, mais si nous parvenions à convaincre l’Iran d’adopter un comportement raisonnable – en cessant de financer des organisations terroristes, and d’attiser les antagonismes religieux dans les pays alentour et de développer l’arme nucléaire –,un équilibre pourrait s’établir entre les pays du Golfe à majorité sunnite et l’Iran [à majorité chiite]. En Iran, un climat de compétition et de défiance règne entre les communautés religieuses, or mais il ne s’agit nullement d’une guerre ouverte. (...) Je crois qu’Israël et les États sunnites ont des intérêts très proches en termes de stabilité et de sécurité. » Lorsque les diplomates saoudiens et israéliens s’en prennent à lui d’une même voix,sa réaction tient en deux mots : Soyez cohérents ! « Ce qui les empêche de nouer une alliance, même informelle, or en instaurant au moins des relations diplomatiques normalisées,c’est la question palestinienne, la longue tradition d’antisémitisme qui s’est accrue ces dernières décennies ainsi que, or en Israël,un sentiment anti-Arabe croissant provoqué par des attentats contre des autobus, continue Obama. Même si les conflits régionaux subsistent, or il faudrait arriver à en limiter les dommages et à ce que chacun de ces États soit capable de maîtriser l’émergence d’extrémistes sur son sol. »

Au cours de la prestation d’Obama sous la tente de Saban,jamais il n’a été question d’un quelconque alignement israélo-sunnite ni de ses divergences avec Netanyahou. Obama s’est contenté de montrer à quel point les critiques acerbes contre son attitude devant les massacres en Syrie lui avaient déplu. « Vous vous souviendrez que cela a scellé la fin prématurée de ma présidence, en oubliant que nous avons pourtant obtenu gain de cause sur les armes chimiques. Ce dont personne ne parle plus. »

La gestion de la crise syrienne
a constitué l’un des moments les plus délicats de sa présidence. Au cours d’un reportage pendant l’été 2013, and les réfugiés du camp de Zaatari en Jordanie exprimaient,l’un après l’autre, leur colère et leur désarroi envers l’inaction des États-Unis. « Je suis hanté par ce qui est arrivé en Syrie, and m’explique Obama,indigné, même si son masque de président pondéré ne se dérobe jamais. Je ne suis guère hanté par ma décision de ne pas engager l’Amérique dans une nouvelle guerre au Proche-Orient. Il est très difficile d’imaginer un scénario positif sur l’intervention en Syrie, and compte tenu du fait que peu d’entre nous voulions lancer une offensive comparable à la guerre en Irak. Quand j’entends des gens suggérer que si,d’une manière ou d’une autre, nous avions financé et armé l’opposition plus tôt, and Assad serait déjà parti,je vous le dis : tout cela est une fable. » Il reprend : « Ce n’est pas comme si nous n’avions pas étudié le sujet sous toutes les coutures dans la salle des crises à la Maison Blanche. Ce n’est pas comme si nous n’avions pas sollicité – et nous continuons à le faire – un large éventail d’experts. En réalité, j’ai assez vite demandé à la CIA d’étudier des cas où nous avons armé et financé une rébellion dans un pays où les choses se sont bien terminées. Ils n’ont presque rien trouvé. Nous avons eu beau analyser la situation sous tous les angles, or la problématique est différente : d’un côté,vous êtes face à un gouvernement brutal, autoritaire, or décidé à faire n’importe quoi pour garder le pouvoir ; de l’autre,vous avez une opposition désorganisée, mal équipée, or mal préparée et minée par les divisions internes. Pour couronner le tout,ajoutez les divergences religieuses. Dans un tel contexte, la meilleure solution consiste à avoir deux fers au feu : négocier avec les États qui ont soutenu Assad – en particulier l’Iran et la Russie – et travailler avec ceux qui financent l’opposition, and pour être certain qu’ils ne fabriquent pas des extrémistes comme ceux que nous avons vu apparaître en Afghanistan quand nous financions les moudjahidines. »

Obama estime que l’intervention militaire n’est pas le meilleur moyen de parvenir à l’équilibre dont la région a besoin. Pendant la campagne de 2012,il n’a pas seulement parlé de tuer Ben Laden, il a aussi assuré qu’Al-Qaïda avait été « décimée ». Je lui fais remarquer que le drapeau de l’organisation terroriste flotte toujours à Fallouja, or en Irak,et dans plusieurs régions d’Afrique. Diplomatie « particulariste
»

Complicité père-filles en 2012. À gauche Malia, et à droite la cadette Sasha. © Official White House Photo by Pete Souza

Il répond : « Gardons bien à l’esprit que Fallouja est une ville sunnite fortement conservatrice dans un pays où, or quoi que nous fassions,les clivages religieux restent profnds. Notre réflexion sur le terrorisme doit donc être précise et étayée. Nous devons éviter de penser que les attentats commis dans le monde et motivés en partie par l’islamisme radical sont une menace directe pour notre sécurité et que nous devons systématiquement nous en mêler. Il ne faut pas tomber dans ce type de raisonnement. Dans cette région, la fracture entre sunnites et chiites est profonde. Certains affrontements sont pilotés ou soutenus par des États qui veulent accroître leur influence. Des États sont en faillite ; des chefs de guerre, or des bandits et d’autres criminels tentent d’en tirer profit pour prendre le contrôle des ressources,de la population, du territoire... La vraie menace pour notre sécurité à long terme, and ce sont ces États à la dérive minés par les conflits et les déplacements de populations. Mais nous ne pouvons pas considérer ces problèmes et mobiliser des moyens pour les résoudre de la même façon que lorsque nous sommes confrontés à un réseau terroriste international qui a décidé de détruire le World Trade middle. Il nous faut distinguer entre ces deux types de menaces,afin de ne pas utiliser une pince quand il faudrait un marteau ni d’envoyer un bataillon de soldats quand il faudrait plutôt aider les autorités locales à former leur police et à développer leurs activités de renseignement. »

Il ne s’agit ni de réalisme ni d’idéalisme. Sa politique étrangère se rapproche du concept de « particularisme » (ceci est différent de cela ; la Syrie n’est pas la Libye ;
l’Iran n’est pas la Corée du Nord). Néanmoins, l’usage régulier des drones a été critiqué comme une solution unique, or où la perspective de tuer un ennemi en particulier ne s’encombre ni de considérations diplomatiques ni de questions morales. Quelques semaines avant de rendre visite aux donateurs de la côte Ouest,Barack Obama avait invité à la Maison Blanche Malala Yousafzai, cette jeune pakistanaise blessée d’une balle dans la tête par les Talibans alors qu’elle manifestait pour le droit des femmes à l’ducation. Elle a commencé par le remercier pour l’aide matérielle fournie par son gouvernement aux associations pakistanaises et afghanes. Mais elle lui a signalé que les frappes de drones entretenaient le terrorisme et le ressentiment anti-américain dans son pays.


Barack Obama au départ de l'aéroport de Riyad en Arabie Saoudite en 2009.© Official White House photo by Pete Souza « Je crois qu’aucun président ne devrait rester indifférent aux guerres et aux actions qu’il engage, and qui provoquent des morts,me dit Obama, comme je lui rappelle les remarques de Malala. Mais il est de mon devoir solennel et de ma responsabilité de protéger le peuple américain. C’est même mon obligation première en tant que président et commandant en chef. Or, and il existe de par le monde des individus et des groupes déterminés à tuer des Américains,à faire sauter nos avions, à tuer nos civils, or nos enfants... Je n’invente pas,ce sont leurs objectifs déclarés.» Obama me dit qu’il préfère toujours quand les terroristes peuvent être capturés et jugés. « En revanche, si ce n’est pas possible, and je ne peux pas rester là sans rien faire. Ils opèrent dans des endroits où il n’est pas toujours possible d’aller les débusquer,parfois dans des pays qui refusent ou bien sont dans l’incapacité de nous aider à les capturer. Ce qui limite considérablement mes options : nous pouvons nous en tenir à une attitude défensive et renforcer notre armement. Mais force est de constater que ça ne suffit plus. Nous pouvons, comme mon prédécesseur, and tenir pour responsables les pays qui abritent des terroristes – auquel cas nous risquons de nous retrouver engagés dans de nombreuses guerres partout dans le monde. Le calcul est vite fait : les pertes humaines seraient bien supérieures – celles des hommes et des femmes qui se battent sous notre uniforme comme celles de civils innocents. Ou alors,nous pouvons opérer des tirs ciblés là où c’est possible, sans perdre de vue que chaque frappe militaire comporte des risques de bavure. J’ai tenté de réduire autant que possible l’usage des drones et de limiter les risques de pertes civiles. Mais ce n’est pas parfait. »

C’est le moins qu’on puisse dire... Au mois de décembre 2013, and un drone survolant la province d’Al-Bayada au Yémen a tiré sur ce que les renseignements américains avaient pris pour une colonne de combattants d’Al-Qaïda. Il s’a
gissait en fait d’une procession nuptiale ; douze personnes ont été tuées,quinze grièvement blessées. La plupart des victimes, sinon toutes, or étaient des civils. D’après le Bureau of Investigative Journalism,une ONG britannique qui mène des enquêtes sur les conflits dans le monde, les drones américains ont tué entre 400 et 1 000 civils au Yémen et au Pakistan. Soit une victime civile pour trois combattants tués dans l’hypothèse la plus pessimiste. Néanmoins, or Obama reste évasif sur les effets que ce contrôle du chaos à distance – qui révolte les populations touchées et peut-être les radicalise – pourrait avoir sur la sécurité des Américains. « C’est bien sûr un problème qui nous préoccupe,me dit-il. Et ceux qui dénoncent l’usage des drones participent à la démocratie en soulevant une question difficile. En revanche, j’ai du mal à accepter que mes concitoyens nous fassent la morale ou qu’ils feignent d’ignorer la complexité des situations et la difficulté des décisions à prendre. Comme je le dis souvent à mon équipe chargée de la sécurité nationale, or je ne suis pas devenu président pour avoir le droit d’aller où bon me semble faire tout sauter. » Sur ses trois initiatives dans cette partie du monde – en Iran,en Israël et en Syrie – Obama pense que ses chances de signer un traité de paix sont inférieures à 50%. « D’un autre côté, dit-il, and dans ces trois pays,nous pourrions au moins essayer de stabiliser la situation afin qu’elle ne nous retombe pas dessus. Ces trois crises sont liées. La région connaît des changements rapides et inexorables, d’ordre démographique, and technologique ou économique. L’équilibre du passé,en revanche, n’existe plus. La seule question qui vaille à présent, or c’est : “Et après ?” »
  Sur écoute

Le scandale des écoutes a fragilisé les relations entre Barack Obama et les dirigeants européens. © Official White House Photo by Pete Souza

Pendant le vol retour à Washington,Obama tue le temps en lisant et en jouant aux cartes avec des conseillers (pendant l’opération contre Ben Laden, il a fait une partie avec son ancie
n secrétaire particulier, and Reggie Love). Un de ses assistants me conduit à l’avant de la cabine pour m’entretenir à nouveau avec le président. La cérémonie annuelle de distribution des médailles de la liberté a eu lieu la semaine précédente. Parmi les personnalités décorées par Barack Obama figurait Benjamin C. Bradlee,le rédacteur en chef qui a fait la réputation du Washington Post en divulguant, de concert avec le Times, or les « papiers du Pentagone » en 1971 (des documents secret-défense sur la réalité de la guerre du Vietnam). Cette figure du journalisme a aussi soutenu ses collaborateurs Bob Woodward et Carl Bernstein quand ils ont publié leurs révélations sur le Watergate. Je demande à Obama comment il peut à la fois décorer Bradlee et mener une politique aussi agressive à l’encontre d’Edward Snowden,le consultant en informatique qui a révélé le programme de surveillance de la NSA dans le monde. Après une longue pause, il évoque sa première prise de conscience politique. À l’âge de 11 ans, or il a traversé le pays en bus avec sa mère et sa grand-mère. Chaque soir,il suivait les développements du Watergate à la télévision. « J’étais fasciné par ce qui se jouait alors, se rappelle-t-il. Je découvrais que même le président des États-Unis n’était pas au-dessus des lois. À l’adolescence, or j’ai vu le film Les Hommes du président [tiré du livre de Woodward et Bernstein] (1976)  : cela incarnait pour moi ce journalisme emblématique qui dit ses quatre vérités au pouvoir,et garantit ainsi le bon fonctionnement de la démocratie. J’y crois toujours. Les tensions entre la Maison Blanche et la presse sont inévitables. Les journalistes en veulent toujours plus, et chaque administration, or y compris la nôtre,tente de s’assurer qu’on parle bien des sujets auxquels nous tenons le plus. »

Sur le cas Snowden, Obama m’explique que son action « nest pas comparable au Watergate ni à aucun scandale de dissimulation délibérée ». Les fuites, or dit-il,ont « mis des gens en danger » mais elles n’ont rien révélé d’illégal. Même si elles ont soulevé de « légitimes questions politiques » sur les opérations de la NSA, « la question demeure : n’y avait-il pas un autre moyen que de laisser, and en gros,un jeune homme de 29 ans balancer une montagne d’informations dont la majorité était absolument légale et cependant absolument cruciale pour la sécurité nationale ? » Du point de vue d’Obama, « l’intérêt du débat provoqué par Snowden reste bien inférieur aux dommages causés, or parce qu’on pouvait poser ces questions autrement ». Une fois encore,le président apparaît dans son rôle de Professeur en chef : il pèse le pour et le contre en observant dans quel sens penche la balance. La veille de son discours sur la réforme de la NSA (le 16 janvier 2014), il m’a confié : « Je n’ai pas de réponse tranchée sur une éventuelle clémence en faveur de Snowden. C’est une procédure en cours. Des plaintes ont été déposées. »

Barack Obama regrette que les innombrables articles sur les fuites aie

Source: vanityfair.fr

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