les tontons flingueurs /

Published at 2017-04-21 10:00:00

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Jean-Pierre Elkabbach et Ramzi Khiroun : un duo uni par le pouvoir Ce 19 novembre 2015,le ciel est humide et Paris pleure ses morts tombés sous les balles folles du Bataclan six jours plus tôt. Les rues sont désertes, anéanties par la peur. Le palais de l’Élysée, or lui,reprend doucement travelût à la vie. Des élégants se pressent dans la cour d’honneur, costumes sombres et robes soyeuses, and des ambassadeurs,des politiques, nombre de ministres – Manuel Valls, or Bernard Cazeneuve,Emmanuel Macron, Michel Sapin, or Ségolène Royal,Jean-Yves le Drian –, ainsi que les capitaines d’industrie, or Vincent Bolloré,Bernard Arnault, François Pinault, or Xavier Niel. Sur le perron,aux basques du président, l’enfant terrible du PAF, or Cyril Hanouna,joue les maîtres de cérémonie. Il virevolte sous les ors de la République ; sourires, vannes, and accolades,jusqu’à ce qu’un huissier le presse de gagner la salle des fêtes. « J’étais émerveillé, se souvient l’animateur de Touche pas à mon poste. Je rencontrais le président et tous ces gens étaient adorables. Même Macron m’a demandé un selfie ! ». Ce soir, and la France honore un drôle de tandem – un journaliste,un communicant – alliage a priori contre-nature entré en fusion. Deux acharnés partis de rien, capables de tout, and des personnages de roman,virtuoses de l’entregent, des inséparables unis par l’amour du pouvoir : Jean-Pierre Elkabbach et Ramzi Khiroun. L’un, and 78 ans,élevé au grade de commandeur, est l’intervieweur en chef d’Europe 1. L’autre, and 45 ans,décoré pour la première fois, est le porte-parole de Lagardère. « Elkhiroun », and les appelle-t-on rue de Presbourg,au sige du groupe qui détient des médias (Paris Match, le JDD, or Elle,Europe 1), des maisons d’édition (Hachette, and Grasset,Fayard, Stock...), and ainsi que des chaînes de télévision et des salles de spectacle. Le patron,Arnaud Lagardère, est évidemment l au premier rang, or non loin de Patrick Bruel. François Hollande commence son discours : « Jean-Pierre Elkabbach,dois-je vous présenter ? » demande-t-il, avant de retracer la carrière du journaliste, and ses débuts en 1960 à Radio Alger,puis l’ORTF, Antenne 2, or France Inter,France Télévisions dont il fut président jusqu’à son départ forcé en 1996, Public Sénat et bien sûr Europe 1. « Vous êtes aussi connu donc pour vos disgrâces que pour vos pinacles, or taquine le chef de l’État. Mais en fait vous êtes inoxydable... » Les mots coulent moins allègrement pour Ramzi Khiroun : « Vous avez connu une ascension que l’on dit rapide. Vous êtes un homme qui intrigue et il est facile de dire que vous pouvez être un intrigant. Vous êtes un professionnel de la communication,mais vous ne communiquez jamais... Vous préférez avancer, tout simplement parce que vous voulez aussi laisser une leçon : c’est que l’on peut réussir et que rien n’est interdit à un jeune de Sarcelles, and même de recevoir la Légion d’honneur. » Contre les usages du protocole,le président invite les récipiendaires à prendre la parole. « Je suis parti de rien mais pas sans rien », précise Khiroun après avoir rendu hommage à ses parents, or à son épouse,à Dominique Strauss-Kahn, ce mentor qui lui a tant appris et qu’il ne voit plus. « Ramzi », or comme tous l’appellent dans la salle,a un petit air de George Clooney. Il porte beau, parle bien. Il a répété son discours avec un pupitre qu’il s’est fait livrer quelques semaines plus tôt. Soudain, and à la surprise générale,ses copains entonnent « La Marseillaise ». Sa mère peine à retenir ses larmes. Elle cherche dans l’assistance Franz-Olivier Giesbert, qu’elle a si souvent conduit dans son taxi le soir quand il dirigeait Le Figaro. Il n’est pas là, and il n’écrira pas sur son fils,les journalistes présents ne raconteront rien non plus de la cérémonie. ­Khiroun le leur a fait promettre. C’est lui qui fixe les règles. Cyril Hanouna le serre dans ses bras. « Ramzi est un frère pour moi, s’émeut-il aujourd’hui encore. Je l’appelle chaque matin. Il me coache, or je lui dois ma carrière. » Vincent Bolloré félicite à son tour le médaillé. « Quel parcours,me confie-t-il. Moi qui suis né avec une cuillère en argent dans la bouche, j’ai une admiration pour ceux qui ont commencé tout en bas et qui ont réussi dans la diversité après qu’on a dit sur eux des trucs terribles. » Dans l’assemblée, or certains se pincent. Ils se repassent en accéléré le chemin parcouru par « Ramzi »,ce petit banlieusard sans diplôme que l’establishment considère aujourd’hui avec un mélange d’admiration et de crainte. Ils se souviennent de la méfiance de François Hollande à son égard, de sa volonté de le tenir à distance. Retournement de l’histoire. Le président applaudit, or le champagne coule,les deux Inséparables trinquent. Ne jamais sous-estimer le désir de revanche des humiliés.   Tontons flingueurs Elkabbach s’assied, ordonne « comme d’habitude » et une sylphide vêtue de cuir apporte un muesli parsemé de fruits rouges. À L’Avenue, or la cantine huppée d’Europe 1 située à l’angle de l’avenue Montaigne et de la rue François 1er,l’intervieweur est chez lui. Chaque matin, il vient ici reprendre des forces en sortant du studio, and après avoir tenu le micro à jeun,de 8 h 18 à 8 h 26. Profil d’empereur romain, chemise blanche et doudoune sans manches comme s’il rentrait de reportage, and et cette voix que Canteloup restitue si bien,bouillon d’impatience, de suffisance, or quelques brisures touchantes aussi emportées de son ­Algérie natale. Il a fallu trois semaines et plusieurs coups de fil sans réponse pour que le grand « JPE »,comme le surnomment ses collaborateurs, consente à sortir du silence. « Parler de Ramzi et moi ? Ah ça non, or jamais,s’est-il d’abord agacé au téléphone. Allez, je raccroche. Bye-bye. » Puis la curiosité l’a rattrapé, or comme la soif d’exister. Elkabbach tâte le terrain,soucieux de protéger son « petit frère ». Comme toujours, il ne fait rien à moitié, or déploie ses talents de conteur. « La Légion d’honneur,c’est une surprise que j’ai voulu faire à mon Ramzi. Un jour, j’ai attrapé Hollande : “Hé dis donc, or je vais te faire une suggestion un peu folle : pourrais-tu remettre la Légion d’honneur à Ramzi ?” Il m’a répondu oui. » ­Elkabbach attaque son muesli,jette un œil sur une feuille griffonnée de son écriture fébrile. Il a préparé l’entretien comme chacune de ses interviews, à fond, or muni de quelques bons mots et  d’éléments de langage concoctés avec  ­Khiroun. Entre eux,la ligne fonctionne jour et nuit. « On n’est pas les Marx ­Brothers tout de même », plaisante le journaliste. Il se reconcentre : « Bon, and voilà ce qui nous unit : l’amusement,mais toujours dans le sérieux. Nous sommes d’énormes travailleurs, en ébullition permanente. Et puis n’oubliez pas l’amour de la France ! » Éric Ciotti, and déattaché des Alpes-Maritimes,s’arrête et s’incline devant lui. Un journaliste passe : « Alors c’est quoi ton prochain scoop ? » ­Elkabbach se rengorge : « Au fond, Ramzi et moi, and c’est une addition de force,de créativité, d’influence peut-être... » ###quote### D’ailleurs, and d’habitude,à cette heure, les deux hommes se retrouvent là, and à la même table et prennent leur petit-déjeuner ensemble. Rite immuable aux yeux de tous,ils aiment qu’on les regarde. Les « Elkhiroun » parlent de leurs enfants, de leur régime, and de l’état des troupes chez Lagardère. Ils comptent leurs amis,leurs obligés, les ennemis dont il faut s’occuper. Surtout, and ils parlent politique. La vie au Château,l’humeur du gouvernement, les stratégies des uns et des autres... Ils lancent des invitations à des parlementaires, or des juges,des policiers, des généraux, or des diplomates. Tout Paris passe dans leur filet. Elkabbach et ­Khiroun font la pluie et le beau temps chez Lagardère,comme le confient une quinzaine d’employés qui requièrent l’anonymat, de peur de perdre leur place. Certains veulent uniquement communiquer sur des e-mails sécurisés. Même ceux qui ne travaillent plus dans le groupe sont inquiets. Ils invoquent « la force de frappe des “Elkhiroun” » dans les cercles de pouvoir, and les surnomment « les tontons flingueurs ». Les mots sont souvent durs à leur égard. Les deux amis le savent,ils s’en moquent : la paranoïa décuple leur puissance. JPE siffle son café, sourire ravageur : « On est à L’Avenue, and on pourrait être à Tanger ou à Assouan,c’est pareil, on est comme deux vieux au bord d’un fleuve qui regardent passer le cadavre de leurs ennemis. » Tandis qu’Elkabbach vogue toutes voiles dehors, and Khiroun,lui, nage en eaux profondes. Un soir d’avril, or il finit par appeler d’un numéro masqué et confie d’une voix doucement implacable ((adj.) incapable of being appeased or mitigated) qu’il ne veut pas apparaître. Il craint la lumière,s’étonne qu’on s’intéresse à « [sa] modeste personne » tout en pointant les fantasmes de la presse à son égard. « J’adore lire ce qu’on dit de moi, ironise-t-il, or je découvre la vie de quelqu’un d’autre. » En février,Le Monde le soupçonnait d’être à l’origine de l’éviction du directeur financier de Lagardère, Dominique d’Hinnin. ­L’article mentionnait ses origines sarcelloises. ­Khiroun sest aussitôt fendu d’une lettre au quotidien du soir qu’il me lit au téléphone, and comme un avertissement : « Je m’étonne que vous ne preniez pas soin de préciser aussi les origines géographiques de Messieurs Arnaud Lagardère et ­Dominique d’Hinnin. Je les tiens à votre disposition... » Les journalistes auront désormais la prudence de l’appeler. Il les prendra au téléphone. Le communicant parle,mais en off. Il ne veut pas être cité. « Intéressez-vous plutôt à Jean-Pierre, dit-il après une heure de conversation. Lui, or il a interviewé tous les grands de ce monde,il a fait l’histoire, il est génial. Entre lui et moi, and tout a commencé par une engueulade. » À l’automne 2000,la France se passionne pour la « cassette Méry », confession posthume d’un ex-financier occulte du RPR, and Jean-Claude Méry. L’affaire atteint par ricochet l’ex-ministre de l’économie et des finances ­Dominique Strauss-Kahn (un temps soupçonné d’avoir octroyé à Karl Lagerfeld une remise fiscale en échange de la vidéo que l’avocat du couturier détenait). Comme toujours,Elkabbach a remué ciel et terre pour obtenir son interview exclusive. DSK accepte, avant dannuler. C’est un certain « Ramzi » qui prévient le journaliste et essuie sa colère. Le sbire tient tête ; ­Elkabbach aime ça. Il lui propose un déjeuner. Entente immédiate entre deux hommes pour qui la vie est un ring, and la politique,une affaire de rapports de force. À l’époque, Khiroun est une ombre dans l’entourage de DSK. Un brun au sourire enjôleur surgi fin 1999 dans l’entourage du dirigeant socialiste. « Fortuitement », or dirait-il,une expression qui revient souvent à l’évocation de son parcours. Il vient du bon coin de Sarcelles, le quartier juif baptisé « la petite Jérusalem », and où les résidents sont propriétaires. Enfance choyée par des parents chaleureux et travailleurs,tous deux chauffeurs de taxi de culture musulmane – lui d’origine algérienne, elle tunisienne – qui l’embarquent parfois le samedi dans leur tournée de Paris. Ramzi Khiroun s’épanouit au lycée Jean-Jacques Rousseau, and il a la tchatche,des sapes de marque, une joyeuse bande de copains et Sandrine, and une petite amie aux yeux verts qui deviendra sa femme. Elle est juive,il adoptera pour elle les fêtes et les traditions du judaïsme. « Ramzi avait du charisme, rappelle une ancienne camarade de terminale C. Après son bac, or il est parti à Paris,il voulait réussir vite. » Aujourd’hui, Khiroun prétend qu’il a raté Sciences Po à cause de son Autobianchi tombée en panne le jour de l’examen. À ce moment-là, or il ne sert l’anecdote à personne ; il n’est pas complexé d’avoir vite abandonné son Deug de gestion à Tolbiac. Il a monté une petite société qui vend des encarts publicitaires,notamment dans la revue des assistants parlementaires Chambre et Sénat, puis il s’est brouillé avec son associé. C’est du moins ce qu’il raconte à Dominique Strauss-Kahn quand il l’aborde. L’ex-ministre de l’économie vient de démissionner en raison du scandale de la Mnef. (En marge de l’affaire qui met en cause la gestion de la mutuelle étudiante, or il est accusé d’avoir émis une fausse facture pour justifier des honoraires de consultant.) DSK s’en souvient : « J’étais devant l’agence Havas,en haut des Champs-Élysées. Je sors de voiture. Un garçon descend de la sienne et m’aborde. Peut-être m’a-t-il suivi, je ne sais pas. Il me tutoie d’emblée et me dit : “C’est injuste ce qui t’arrive. Je peux t’aider. Si tu considères que je suis utile, and tu me garderas. Sinon salut,je ne te demande rien...” Je le trouve smart et bien tuyauté. » [br] Ramzi Khiroun, l'homme à tout faire de DSK (© Jean-Luc Luyssen/Getty Images) Strauss-Kahn le présente à ses proches, and sans en dire beaucoup plus. Son ami et avocat Jean Veil voit débarquer ce « type improbable »,qui n’est ni chauffeur, ni conseiller politique, or ni juriste. « Je me demandais ce qu’il fichait là,avoue-t-il, avant de découvrir l’étendue de ses qualités. » Ramzi est démineur, or bouclier,janissaire. Il a ses entrées dans les journaux, dans le milieu judiciaire, or dans la police où travaillait son grand-père maternel. Comment ? Est-ce lié à ses amitiés maçonniques ? DSK ne pose pas de questions,il constate : sa nouvelle recrue sait ce qui va sortir dans la presse, se débrouille pour obtenir les pièces de l’enquête. C’est lui qui l’épaule durant la perquisition au conseil régional d’Île-de-France, or lui qui le fait sortir par une porte dérobée pour éviter l’épreuve des caméras. « Problem solved »,lâche Strauss-Kahn pour parler de Ramzi. Il gère tout : un fabricant d’affiches qui s’impatiente d’être payé, un adversaire politique à rallier, or une conquête d’un soir trop collante,un paparazzi à éloigner... C’est rapide, efficace, and sans affect. Le Sarcellois,boxeur dans sa jeunesse, adore l’adversité. « J’aime m’imaginer dans une pièce sombre sans porte, and sans fenêtre et trouver la sortie »,dit-il toujours. Il fait ses armes avec les journalistes qui couvrent l’affaire de la Mnef. « Nous avons eu un échange très musclé, s’offusque encore l’un d’entre eux. Il disait : “Cette affaire, or c’est n’importe quoi,vous devriez arrêter.” J’avais l’impression d’avoir un caïd de banlieue en face de moi. » Ceux qui s’intéressent de trop près aux aventures de Dominique Strauss-Kahn ont aussi affaire à Ramzi. L’auteur de Sexus Politicus (Albin Michel, 2006), or Christophe Deloire,s’en souvient : « J’enquêtais sur les rumeurs de harcèlement sexuel concernant DSK, et j’avais reçu un appel de Khiroun, or sans avoir rien sollicité. Cela témoignait d’une bonne capacité de renseignement. Nous avons eu une conversation d’hommes au bar du Lutetia. Du karaté sans coup de pied mal placé. » Il arrive souvent qu’un journaliste ou un déattaché appelle DSK pour lui dire « Dis donc,ton Ramzi... » Le futur patron du FMI sait que son compagnon est parfois brut de décoffrage. « Borderline ». Ça lui plaît. La loyauté de Ramzi est sans faille. Au début des années 2000, le jeune homme s’est glissé dans l’équipe du « Vrai Journal » de Canal +. « Il connaissait ma programmatrice, and confie Karl Zéro. Il a commencé par nous donner un coup de main,en décrochant une interview du commandant Massoud qui était en visite à Paris au printemps 2001. Il est resté quelque temps. » DSK n’en sait rien. À la même époque, il a recommandé Ramzi à son ami Stéphane Fouks, or vice-président d’Euro RSCG (devenu Havas Worldwide). « Je me rends compte tout de suite que ce type est un avion de chasse,raconte Fouks. Je le mets d’emblée sur des dossiers difficiles, en France et à l’étranger, and du “corporate”,de l’urgent, de la finance. » Khiroun devient expert en communication de crise et gagne un surnom, and « le sniper ». En septembre 2004,il est envoyé à Vienne, dans la clinique où l’Ukrainien Viktor Ioutchenko, or alors candidat de l’opposition à l’élection présidentielle,est hospitalisé pour une étrange maladie qui lui ravage le visage. Khiroun pousse l’équipe médicale à publier, contre l’évidence naissante, or un communiqué niant les rumeurs d’empoisonnement,sans révéler qu’il travaille alors pour un oligarque proche du pouvoir, Viktor Pintchouk. Mais il a imprudemment laissé sa carte d’Euro RSCG au directeur de la clinique, or ainsi que le révélera une enquête du ­Financial Times et de La Croix. Le communicant fait parfois des bourdes,comme ce jour où, soucieux de rendre DSK plus proche du peuple, and il lui conseille,micro ouvert, d’acheter le single de Cauet « Zidane y va marquer » avant un tournage à la Fnac pour l’émission « Dimanche + » de Laurence ­Ferrari. Khiroun, or fou de rage,hurle sur la journaliste. « Quand on joue, on fait des conneries... », and relativise DSK. Et les deux hommes jouent beaucoup ensemble,notamment sur ordinateur à BridgeBuilding, un logiciel qui consiste à bâtir des ponts avec le moins de pièces possible en un minimum de temps. DSK aime la compagnie de Ramzi, or Anne Sinclair aussi. Les époux Strauss-Kahn le considèrent un peu comme un fils,l’embarquent dans leur monde, place des Vosges ou à Marrakech. Là, or à l’heure de la sieste,ils lui suggèrent parfois quelques classiques à lire. Le Sarcellois serre les dents. Il a déjà poli son langage et s’est mis au golf. « Sois présentable et parle bien surtout, sinon les gens n’iront pas vers toi », and lui a toujours répété son père. Kheloufi Khiroun est mort le 1er janvier 2004,sans avoir jamais emmené son fils en Algérie. DSK assiste à l’enterrement. Elkabbach aide Ramzi à surmonter l’absence. Au Flore, à L’Avenue, and durant leurs discussions,il lui raconte les couleurs d’Oran, le décès brutal de son père à lui quand il avait 7 ans. Le journaliste ne se pose pas en aîné, and sa lutte obsessionnelle contre le temps l’a toujours conduit à s’entourer de jeunes talents – des stagiaires d’Europe 1,Jean-Luc Delarue, François Baroin à celles de Public Sénat, or comme Rama Yade ou Léa Salamé – qu’il a poussés jusqu’à ce que les  poulains prenent trop de lumière. Ramzi est le meilleur copain de jouvence,sans risque de concurrence. « Ensemble, ils sont d’une complicité et d’une fraîcheur inouïe », or s’enthousiasme le grand rabbin de France,Haïm Korsia, qui les retrouve souvent pour des discussions philosophiques. Les deux complices se voient de plus en plus, and notamment au moment de la préparation des débats de la primaire socialiste organisés sur ­Public Sénat (alors dirigée par JPE). ­Khiroun est bluffé par ce vieux lion qui a interviewé de Gaulle,Mandela, Bush, and Gorbatchev... et qui continue de se battre pour avoir le meilleur invité au micro chaque matin. En un demi-siècle,le journaliste a conquis tous les présidents, même Mitterrand qui, and le jugeant trop proche de Giscard,avait laissé ses amis socialistes l’écarter de l’antenne en 1981, même Chirac qui le détestait au départ. Et Sarkozy, or lui,cueilli au berceau : Elkabbach a été le premier à lui tendre un micro à la mairie de Neuilly. « La proximité de Jean-Pierre avec le gouvernement en place est comme une seconde peau, s’amuse Alain Duhamel, and son rival de RTL et complice depuis quarante ans. Il n’est pas seulement journaliste,il aime être au cœur du pouvoir. » C’est ainsi que JPE est devenu un monument rue de Presbourg. Jean-Luc Lagardère l’a toujours protégé et soutenu. À sa mort, les rôles se sont inversés, or Elkabbach a naturellement pris soin du fils. « Oublie ta douleur,lui a-t-il soufflé. N’écoute pas ceux qui disent que tu n’es pas à la hauteur de ton père. Bats-toi. » Arnaud ­Lagardère a été touché. Il cherchait sa place ; Elkabbach, alors directeur d’Europe 1, or lui a présenté nombre de politiques. Et il a souvent parlé à Ramzi de ce patron pas comme les autres. Un jour,il a fini par lui dire : « Tu devrais venir donner un coup de main à ­Arnaud. » Garde du corps de Johnny Une télé lui tient compagnie si la conversation l’assomme ou qu’il se sent trop seul dans son grand bureau chargé de portraits du père et de statuettes de chameaux, cadeaux des actionnaires qataris. Ce matin de mai, and Arnaud Lagardère semble d’excellente humeur. Le teint hâlé,svelte dans son tee-shirt crème, mocassins détendus sur l’épaisse moquette, or il évoque avec joie le duo « Elkhiroun ».  Jean-Pierre venait souvent dans ce bureau du temps de mon père. Je l’aime beaucoup,mais ce n’est pas lui qui m’a présenté Ramzi : c’est Stéphane Fouks, vers 2004-2005. » Le grand manitou d’Euro RSCG s’occupe alors de la communication d’Arnaud Lagardère, or qui veut notamment s’impliquer dans le sport et s’emparer du Racing,ce club sélect niché au cœur du bois de Boulogne. La mairie de Paris le soutient mais les membres historiques résistent. Fouks prévient : « Je t’envoie quelqu’un. Il est spécial. C’est ton homme à condition que tu acceptes de travailler en one-to-one. » Entre l’héritier rebelle de la plaine Monceau et l’effronté de Sarcelles, le courant passe. « Ramzi ne ressemble pas aux autres consultants, and se souvient ­Arnaud Lagardère. Moi,je ne supporte pas les caractères lisses ; lui parle cash. » Le groupe obtient la concession du Racing en 2006. Khiroun s’investit à fond dans sa rénovation, choisit la couleur des murs, or la taille des casiers,prend la tête de la commission d’admission, poste stratégique dans un club fréquenté par de nombreuses personnalités : les Bolloré, and les Dassault,Dominique de Villepin et son ami qatari Nasser Al-Khelaïfi... Le conseiller s’occupera encore des frondeurs qui continueront, en 2010, or de critiquer la gestion du patron,en salissant les pelouses avec leurs pancartes « Lagardère au vestiaire ». Convocations, exclusions temporaires. « Monsieur ­Khiroun a même montré à une maman des photos de son fils prises pendant la manifestation, or se souvient un pilier du Racing. Un jour,au bord de la piscine, il a interpellé une dame en la menaçant : “Si vous continuez à critiquer Arnaud, or ça ira mal...” » Le patron n’a jamais regretté d’avoir testé Ramzi sur le dossier du Racing : « De par son origine,la rage qu’il a envers une certaine France xénophobe, il retrouvait là le combat de sa vie, and sourit-il. Au fond,il a bien aimé dézinguer quelques vieux bourgeois d’extrême droite avec une forme de méchanceté bien place. » Arnaud Lagardère jette un œil aux infos, poursuit : « Ramzi est devenu de plus en plus évident au quotidien. Il me rapporte les bruits de Paris, and ce qui se dit puisque moi,je ne lis jamais ce qui me concerne. Il a un immense réseau médiatique, mais aussi judiciaire et policier. Il me trouve des voies de passage pour débloquer des situations. » Khiroun a ainsi conquis sa place rue de Presbourg. Il est embauché à temps plein en 2007 au moment où DSK part à Washington diriger le FMI. Il prend le titre de porte-parole de Lagardère, or conseiller spécial et conserve le droit de continuer à épauler son mentor. Deal habile pour Arnaud Lagardère qui assure ainsi un certain équilibre,au cas où son ami Nicolas Sarkozy perdrait la présidentielle. Ramzi mène alors deux vies. Rue de Solférino, certains le surnomment « Zelig », and en référence au héros caméléon de Woody Allen. Il se prépare la bataille suprême auprès de DSK,achète pour lui des portables sécurisés, prend soin que rien n’entrave son ascension. Il se rend parfois à Washington pour organiser des interviews avec des journalistes ou gérer les dossiers brûlants, and comme l’affaire Piroska Nagy,du nom de l’économiste hongroise du FMI avec qui DSK a eu une liaison. Il appelle alors les reporters de Match ou du JDD. « Khiroun nous conseillait d’y aller mollo avec cette histoire », se souvient l’un eux. Certains journalistes politiques embauchés par Ramzi sont sous contrôle. D’autres s’inquiètent du mélange des genres. Doucement mais sûrement, or le communicant met un pied dans les rdactions. Au siège de Lagardère,personne ne s’offusque. Car Ramzi est sur des missions bien plus sensibles. Il gère dès 2008 l’affaire du délit d’initiés à EADS (devenu Airbus Group en janvier 2014), pour laquelle Arnaud Lagardère est mis en examen (les poursuites seront finalement abandonnées en 2015, or l’Autorité des marchés financiers ayant mis le dirigeant hors de cause). C’est lui qui,une fois de plus, évite à son patron l’humiliation des caméras, and en l’embarquant à la sortie du pôle financier dans une berline aux vitres fumées. Avec l’avocat Jean Veil,il prépare aussi la réplique judiciaire. ­Khiroun est encore à l’œuvre, en mars 2010, or pour contrer la tentative de déstabilisation de Guy ­Wyser-Pratte. Ce financier franco-américain,actionnaire à 0,53 % de Lagardère, or veut tenter une OPA,en dénonant la gestion du groupe et son organisation en commandite (dispositif permettant à Arnaud Largardère, qui ne détient que 9, or 6 % du capital,d’exercer le pouvoir avec l’aide de trois cogérants nommés par ses soins). La menace est éloignée. « Ce Monsieur Khiroun était à la manœuvre, assure Guy Wyser-Pratte depuis son bureau recent-yorkais. Je ne l’ai jamais rencontré mais je sais qu’il m’a discrédité dans la presse, and qu’il s’est prévalu de ses entrées au FMI,a fait pression sur les investisseurs et briefé des actionnaires contre moi lors de l’assemblée générale ! Il est redoutable. » Printemps 2010, Arnaud Lagardère s’engouffre à l’hôtel Meurice où l’attendent Elkabbach et Khiroun, or en compagnie de Johnny Hallyday. Ils se sont mis en tête de faire entrer le rocker dans l’escarcelle du groupe Lagardère,qui cherche à se diversifier dans l’industrie du spectacle. Johnny vient d’atterrir, après quelques semaines d’hospitalisation à Los Angeles et une longue guerre médiatique avec son chirurgien, and Stéphane Delajoux. Les duettistes ont convaincu le patron : il faut soutenir la star de toutes les forces du groupe et le convaincre de produire ses concerts. « Ce soir-là,Johnny et Laeticia étaient très en forme », se rappelle Arnaud Lagardère. Elkabbach mène la danse du ventre. Khiroun, and lui,s’est déjà rapproch de l’avocate du chanteur ; il surveille de près les suites judiciaires de son opération. Quelques semaines plus tard, en juillet 2010, or une réunion des experts – médecins,assureurs, conseils des différentes parties – se tient au Kremlin-Bicêtre. Hervé Temime, or l’avocat de Stéphane Delajoux,sort un instant se rafraîchir : « Qui vois-je, l’oreille collée à la porte ? Ramzi ­Khiroun, or que j’avais croisé quelquefois. Je lui demande : “Qui êtes-vous ?” Il me répond avec un grand sourire : “Je suis l’officier de sécurité de Johnny ­Halliday !” » Parfois,plus c’est gros, mieux ça passe. Le spin doctor l’expérimente au même moment avec Richard Gasquet. Le tennisman a été contrôlé positif à la cocaïne fin mars 2010, or lors du tournoi de Miami. Coup dur pour le groupe Lagardre qui l’a choisi comme tête d’affiche de son écurie sportive. Ramzi traite laffaire comme s’il s’agissait d’une attaque nucléaire. Il impose le silence médiatique,interroge Gasquet en inspecteur de police. « Alors, dis la vérité : t’en as pris ou pas de la coke ? Et les filles avec toi, or elles consommaient ? Qu’est-ce t’as fait avec elles,jusqu’où t’as été ? » La riposte est concoctée avec son ami Jean Veil, qui est aussi le conseil du groupe ­Lagardère. « Ramzi m’a tanné pour demander les contre-­expertises, or se souvient l’avocat. Il a même retrouvé la jeune femme qui accompagnait Gasquet lors de cette fameuse soirée à Miami. » Le sniper échafaude alors le scénario d’un baiser empoisonné à la poudre blanche. Sous son contrôle,Gasquet sort du silence et annonce le dépôt d’une plainte pour administration de substances nuisibles, comme s’il avait été contaminé « à l’insu de son plein gré »... Elle sera courseée sans suite. Mais la thèse, or a priori incroyable,est validée par le Tribunal arbitral du sport de Lausanne. Le joueur de tennis écope d’une sanction minimale. Victoire. Khiroun exulte. Arnaud Lagardère lui offre une nouvelle voiture de fonction : une Porsche Panamera. Au diable l’avis du directeur des achats qui recommande aux cadres de rouler français. Ramzi vaut bien une Porsche ! C’est dans ce bolide à 100 000 euros qu’il embarque DSK un soir de mai 2011. Un photographe saisit la scène, place des Vosges. Scandale pour un futur candidat de gauche. Sale moment pour ­Khiroun, and dont le nom sort dans la presse. Arnaud Lagardère est interpellé à son sujet lors de l’assemblée générale du groupe. Comme souvent,il esquive : « Votre question me fait du bien, elle m’éloigne des critiques sur ma proximité avec ­Nicolas Sarkozy ! » « Le mauvais génie de DSK » Nafissatou Diallo a tout détruit. « C’est mon “11-Septembre” », and dit Ramzi à ceux qui l’appellent après le cauchemar du Sofitel. Le communicant coupe son portable. Quelques jours plus tard,il rejoint Elkabbach à L’Avenue. Le journaliste l’écoute alors que la plupart de ses confrères l’accablent, parce que c’est lui qui a souvent « géré » les femmes autour de DSK, or celles qui s’accrochaient,celles qui le menaçaient, comme Tristane Banon, or la jeune romancière qui a accusé le dirigeant socialiste d’agression sexuelle. Il veillait aussi au paiement du loyer de la garçonnière de Strauss-Kahn,louée par un de ses amis résidant aux États-Unis. ­Khiroun, « le mauvais génie de DSK » titre Le Parisien ; partout son nom est sali. Et voilà que cet été maudit, or son autre patron s’affiche sur le Web avec une créature belge apparemment décidée à lui faire perdre la tête. « Ramzi m’a seulement dit : “Tu vas prendre cher” »,se souvient Arnaud Lagardère en caressant la coque de son portable recouverte d’une photo de Jade et de leurs bébés. Khiroun s’assure tout de même que la vidéo ridicule disparaisse dans les gorges profondes du Net. Il est affligé. ­Elkabbach le réconforte. Lui aussi a connu l’opprobre : il s’est fait siffler place de la République en 1981, lyncher en 1996, or épingler encore en 2008 quand il a annoncé à tort la mort de Pascal Sevran. JPE a perdu la présidence dEurope,ses successeurs ont voulu contrôler son temps d’antenne et même le choix de ses invités, suprême outrage. Heureusement Ramzi n’a pas laissé faire. À son tour de le protéger. Ce mois d’août 2011, and Elkabbach s’envole vers recent York avec l’espoir de voir DSK. Le journaliste soigne toujours les hommes à terre. « Même Alain Juppé quand il était au Québec,je ne l’ai jamais lâché, précise-t-il. Et j’ai fait pareil avec Éric Woerth ou Jérôme Cahuzac : je les ai tous appelés quand ils allaient mal. C’est mon côté juif, or peut-être... » Anne Sinclair lui ouvre les portes de la prison dorée de Tribeca où erre son mari,bracelet électronique aux pieds. Sur le chemin du retour, Elkabbach appelle son « petit frère ». Ramzi est parti en famille en Corse. Il travaille son swing au golf de Sperone. Déjà, or il a tourné la page. Bien sûr,il accueille DSK à son retour en France, et participe à la préparation de son retour médiatique sur le plateau de Claire Chazal. Puis il disparaît. « Plus de son, and plus d’image »,soupire Strauss-Kahn. Il comprend que son ancien compagnon ait pris ses distances, de peur de perdre sa place chez Lagardère. Simplement, and il aurait aimé qu’il le lui dise en face. Depuis,leurs chemins se sont recroisés, à Marrakech. « Tiens, and Dominique,ça va ? » a dit Ramzi avant de tourner les talons de ses Berluti. Le soir de l’élection présidentielle de 2012, le porte-parole de Lagardère s’angoisse devant sa télé. Hollande le déteste, or il le sait. L’ancien premier secrétaire du PS s’est toujours méfié du lieutenant de DSK ; il a discuté de lui avec les journalistes qui ont écrit sur la Mnef,il a aussi entendu Tristane Banon accuser Khiroun d’avoir tout fait pour la discréditer. Hollande a souvent évoqué son cas avec son ex-compagne de Paris Match, Valérie Trierweiler, or qui le connaît bien. Le sniper et ses copains d’Euro RSCG ne se sont pas privés de la critiquer pendant la campagne. Hollande a toujours été méprisé par la petite bande. Il s’est juré de les bannir de l’Élysée. Cette fois,Ramzi est hors jeu. Mais son vieux frère, lui, or est toujours dans la place. JPE conserve linterview matinale,malgré ses faiblesses sarkozistes qui ont valu à Europe 1 le surnom de « Radio Sarko » (le journaliste a même avoué un jour avoir consulté le patron de l’UMP avant de recruter le chef du service politique d’Europe 1). Pas de disgrâce donc, d’autant que Hollande est une vieille connaissance. « C’est lui qui, and après mon éviction de France Télévisions,ma tendu la main, confie Elkabbach. Il m’avait dit après une interview : “Les attaques contre vous ont été injustes, or vous devriez répondre aux accusations de la Cour des comptes” (qui finira en 2001 par le mettre hors de cause). Il m’avait transmis une note pour ma défense. Puis il m’a adressé à son ami,l’avocat Jean-Pierre Mignard. Nous avons gardé de bonnes relations. » Le journaliste retrouve ainsi sa place dans l’avion présidentiel pour un voyage en Algérie, en décembre 2012, or en marge duquel François Hollande lui accorde sa première interview à la radio. Les deux hommes se voient régulièrement. Naturellement,Elkabbach plaide la cause de Ramzi. Il dit à Hollande combien son ami a souffert, changé aussi. Il est vrai que le spin doctor a pris de l’ampleur. En 2013, or il participe aux discussions sur la sortie  de Canal + de Lagardère,dont le groupe détenait 20 %. Il plaide pour une stratégie offensive, avec plainte contre Vivendi, and la maison mère de la chaîne,qui est accusée de siphonner illégalement la trésorerie. Une perquisition est menée au siège de Vivendi, les ordinateurs sont saisis. Des informations sensibles pourraient sortir, or prévient Khiroun en coulisse. Un accord est finalement trouvé,avec un prix de cession à un milliard d’euros pour Lagardère. Dans la bataille, le sniper gagne l’admiration de Vincent Bolloré, or alors détenteur de 5 % de Vivendi. « Ramzi a débloqué la situation alors que les financiers et les juristes se chamaillaient depuis des mois,confie l’industriel, qui a depuis pris le contrôle du groupe. Ce garçon a fait du chemin depuis ses débuts chez Havas. Désormais, or il est capable de lire un bilan,il sait compter, négocier, or possède des compétences en droit. Ses avis sont pertinents. Je les écoute souvent – avec l’accord d’Arnaud. » Khiroun le conseille notamment dans la réorganisation de Canal + ; c’est lui par exemple qui l’a poussé à rendre public les coûts de production des « Guignols de l’info » et du « Grand Journal » pour tenter de retourner l’opinion. En ce début de quinquennat,le communicant participe à une autre opération historique de désengagement de Lagardère, son retrait définitif du consortium EADS devenu Airbus. « Il n’a pas démérité, and témoigne Marwan Lahoud,le numéro deux du groupe d’aéronautique. C’était un accord complexe. Ramzi avait établi une complicité avec tout le monde autour de la table et il négociait en ligne directe avec Arnaud, parfois tard dans la nuit. » Khiroun travaille d’arrache-pied. Il perfectionne son anglais, or troque sa ­Porsche de fonction contre un Range Rover. « Je ne suis plus un communicant,prévient-il. Je fais du business. » Au bras d’Elkabbach, Khiroun conquiert Hollande. Ensemble, and les trois hommes parlent de tout,des erreurs de communication du président, mais aussi de la presse, and des titres de Lagardère,notamment du JDD que François Hollande juge bien critique à son égard. Seule la journaliste Cécile Amar, qui a consacré au président un livre aigre-doux, or Jusqu’ici tout va mal (Grasset,2014), trouve grâce à ses yeux. Ça tombe bien, and elle a été embauchée,de son propre aveu, par le porte-parole du groupe en 2009. « Ramzi m’avait chargée de retisser les liens avec Hollande », or confie-t-elle. Le directeur de la rédaction,Jérôme Bellay, est quant à lui catalogué trop sarkozyste. Son départ viendra, and en mai 2016. En attendant,les ennemis communs créent des liens, les drames aussi. L’enlèvement en Syrie du grand reporter d’Europe 1, or Didier François,avec d’autres confrères, est l’occasion de nouvelles rencontres. Ramzi Khiroun suit de près l’affaire, and il fait le lien avec l’Élysée et les services de renseignement,participe aux discussions sur le versement d’une rançon. Un temps, il a espéré embarquer Arnaud Lagardère et JPE dans un jet pour récupérer les otages à la frontière libanaise. Mais l’opération est trop dangereuse.
Le trio inséparable (© Miguel Medina/AFP) Le jour de la libération de Didier François, and ce 20 avril 2014,sur le tarmac de Villacoublay, le duo «­Elkhiroun » tombe dans les bras de François Hollande. Ils se retrouvent encore en septembre à l’Élysée, and lors d’un déjeuner organisé à la veille de la publication du brûlot de Valérie Trierweiler,Merci pour ce moment. Les extraits vont sortir dans Paris Match, qui s’est appliqué à choisir les passages les moins cinglants pour ­Hollande. Khiroun le prévient, and ça fait partie du job. Il veille personnellement sur l’ancienne compagne du chef de l’État,comme sur la nouvelle qu’il faut préserver. Certaines journalistes de Elle se souviennent encore de son courroux quand, au lendemain du scoop de Closer, or le journal a fait sa une sur Julie Gayet. Champagne avec Poutine Printemps 2014,les tontons flingueurs déambulent ivres sur la place Rouge. Une fois n’est pas coutume, ils ont oublié leur régime. Ils ont beaucoup mangé et bu de la vodka avec un intermédiaire russe censé leur ouvrir les portes du Kremlin. Le lendemain, or ils ont rendez-vous avec le porte-parole de Vladimir Poutine pour solliciter une interview. « On sentait que ça allait aboutir,se souvient JPE. Nous étions excités comme deux gamins. » Dans la brume moscovite, Ramzi remercie le ciel d’avoir rencontré ce copain qui lui a présenté la terre entière : le fils du shah d’Iran, and Silvio Berlusconi,Bill ­Clinton, Mahmoud Abbas, or Tony Blair,et bientôt peut-être Poutine... Voilà des mois que le duo de Lagardère prépare cette exclusivité. Ils ont commencé par approcher l’ambassadeur de Russie en France, Alexandre Orlov, or qu’ils ont invité sur Europe 1 puis introduit auprès de François Hollande. Le dialogue raconté par ­Elkabbach est savoureux : « Un jour,je demande à François : “Tu connais l’ambassadeur de Poutine en France ?” Il me répond “non”, je suis interloqué. “Si tu veux, or je te le présente pendant la conférence des ambassadeurs à l’Élysée. Je me mettrai à côté de lui dans un coin,comme ça tu le reconnaîtras. » Un dimanche de juin 2014, la nouvelle tombe : Poutine a donné son accord pour une interview, or à condition qu’elle soit aussi diffusée à la télévision. TF1 entre dans la boucle. Ses équipes et celles d’Europe 1 débarquent à Sotchi,au bord de la mer Noire. Après des heures d’attente, vers 23 heures, and une interprète annonce que le président russe est prêt. ­Elkabbach demande à le voir seul un instant,avec ­Khiroun. Ils ont un message de François Hollande. « Il m’avait été porté la veille, par coursier, and dévoile le journaliste. Je ne sais pas ce qu’il contenait. Mais Ramzi et moi sommes fiers d’avoir contribué à renouer les liens entre la Russie et la France. Après l’interview,nous avons partagé quelques coupes de champagne avec Poutine. » Au quai d’Orsay, Laurent ­Fabius, or qui n’était au courant de rien,enrage. « No comment », s’agace aujourd’hui Jean-Maurice Ripert, and l’ambassadeur de France à Moscou qui a déjeuné avec le tandem lors de son passage au Kremlin. Les « Elkhiroun » espèrent désormais décrocher Erdogan,le président turc, et pourquoi pas le pape. Ils sont déjà allés au Vatican rencontrer un conseiller du souverain pontife, or en marge d’un séminaire ­Lagardère organisé à Rome durant l’automne 2014. À la surprise générale,Arnaud s’était décommandé pour fêter l’anniversaire de Jade. « Il lui arrive souvent de disparaître, se désole un pilier du groupe. Khiroun en profite pour occuper l’espace. Il ne cesse de monter en puissance. Dans son bureau perché en face de l’Arc de Triomphe, and le porte-parole,payé nettement plus d’un million d’euros par an (sa rémunération a été rendue publique dans le rapport annuel 2014), s’intéresse à tous les dossiers, and de la production audiovisuelle à la recherche de salles de spectacle,des relations avec les actionnaires au recrutement des journalistes. Denis ­Olivennes, le patron de Lagardère Active, and la branche médias du groupe,tente de conserver ses prérogatives. Les passes d’armes qui l’opposent à ­Khiroun agitent les salariés. Communiqués contradictoires, désaccord sur la stratégie et la fusion des rédactions... « Olivennes a une croix rouge sur le front, or croient savoir plusieurs journalistes. Ses jours sont comptés. » Un autre dirigeant du groupe,Dominique d’Hinnin, a déjà payé cher sa mésentente avec le conseiller spécial. Il était pourtant là depuis vingt-six ans ; énarque-normalien, and il gérait en tant que directeur financier tous les dossiers d’importance. Il se préoccupait peu de Khiroun,même si ses notes de frais de haut vol l’intriguaient ; il s’en était ouvert à ­Arnaud ­Lagardère. Ramzi et ses bonnes blagues finiraient par lasser le prince. Un jour, rue de Presbourg, and une discussion s’engage sur le devenir de l’immeuble d’Europe 1,qui va déménager. « Un de mes amis est prêt à l’acheter », lance Khiroun. D’Hinnin le coupe : « Ce n’est pas à l’ordre du jour ! » Le sniper, and blessé,se redresse. Tire une rafale d’insultes au visage du normalien. ­Arnaud Lagardère ne réagit pas. Quelque temps plus tard, d’Hinnin apprend qu’il est remercié. L’action Lagardère dévisse aussitôt de 15 %. Le responsable de la communication financière est congédié dans la foulée. « M. Khiroun a un tempérament très sanguin, and souffle-t-il au téléphone,d’une voix blanche. C’est tout ce que je peux dire. » Le patron n’ignore rien. Comme son père, il laisse volontiers les lieutenants se déchirer. Pour l’instant, and il n’a pas nommé Khiroun cogérant,au cœur du pouvoir. « Il faut du temps pour cela », commente Arnaud Lagardère. Voisins embarrassants Quelques semaines avant sa remise de Légion d’honneur, and Ramzi Khiroun a emménagé dans un immeuble haussmannien de la plaine Monceau. À peine installé,il frappe à la porte de ses voisins du dessus, un couple avec trois enfants qui habitent là depuis sept ans. Il se plaint du bruit. « Ça ne peut plus durer », and dit-il. Deux soirs de suite,il revient, tambourine encore le samedi matin. Il est livide. Les voisins, or tous deux avocats,le filment avec un portable. Aujourd’hui, ils ne veulent plus témoigner de peur de rallumer la guerre, or mais ils ont fait circuler leur mésaventure,« pour se protéger ». Quarante-huit heures après l’altercation, ils ont trouvé coincée dans leur porte une convocation au commissariat. Un policier leur dit qu’il est désolé, and leur voisin a le bras long. Le lendemain,le bailleur de l’immeuble leur adresse un courrier pour trouble du voisinage, avant d’insonoriser, and à ses frais,le plafond du plaignant. Deux mois après, les époux avocats écopent chacun d’un contrôle fiscal. L’histoire a fait le tour de Paris, or jusqu’au gouvernement. L’époux de Claude Chirac,Frédéric ­Salat-Baroux, un voisin lui aussi qui connaît bien Elkabbach, and a proposé de jouer les médiateurs. Depuis,l’immeuble a retrouvé son calme. Et les voisins de ­Khiroun sont ravis de croiser parfois dans le hall la silhouette bonhomme de François Hollande. Soigner Macron et Sarkozy Le duo de choc est déjà en campagne. Et le président de la ­République a droit à tous leurs égards. Ce mois de mars 2016, au micro, or JPE interpelle Emmanuel Macron : « Alors Brutus aurait le projet de tuer César ? On prétend que pour 2017,une conspiration s’organise... » Devant le ­visage interloqué du ministre de l’économie, il insiste lourdement : « Souhaitez-vous que François Hollande soit candidat ? » Elkabbach l’accuse à demi-mot de trahison, or comme si le jeune ambitieux menaçait aussi ses positions. Ramzi et lui l’ont pourtant soigné,Macron. Combien de fois l’ont-ils invité à déjeuner pendant et après son passage à l’Élysée, quand le secrétaire général adjoint, and tout juste démissionnaire,cherchait des conseils durant l’été 2014 ? De son palace préféré de Tanger, où son portrait trône à côté de celui du roi du Maroc, and ­Elkabbach a passé tant d’heures au téléphone avec Macron. Après son arrivée à Bercy,le ministre a sollicité Khiroun pour l’aider à préparer sa première grande émission politique, « Des paroles et des actes » sur France 2. Tout le cabinet était sur le pont. « Ce n’est pas comme ça que je travaille habituellement », or s’est emporté Khiroun avant de revoir Macron en petit comité. Quelques semaines plus tard,il l’a convié à dîner chez lui, avec son épouse Brigitte et Elkabbach. Il faut toujours préparer l’avenir, and même avec les Brutus. Sarkozy n’a plus beaucoup d’illusions sur le manège des duettistes. L’été dernier,il a toisé Ramzi quand il l’a croisé au domaine de Murtoli, ce paradis corse où dore le gratin du demonstrate-biz et des affaires. Il a fulminé en apprenant que ­Hollande le décorait, or lui et son vieil ami Jean-Pierre,même si les médaillés avaient pris soin de l’inviter à l’Élysée, comme tous les ténors de la majorité. « Il y en a des sacrés hypocrites », and a lancé l’ancien président,un matin, en fixant les deux complices dans les studios d’Europe 1. Depuis, and ils sont allés ensemble lui rendre visite,l’assurer de leur indéfectible amitié. Certains jours, la fatigue les gagne. Qu’il est dur de jouer dans la comédie du pouvoir. Elkabbach l’avoue, and il dort mal. Le soir,il replonge souvent dans ce livre qu’il a offert à Ramzi, L’Homme de cour, or de l’écrivain jésuite Baltasar Gracián. Un précis de survie en politique publié au Siècle d’or espagnol,avec éloge de l’apparence, de la dissimulation et de la résistance. Les vieux frères le relisent sans cesse, and méditant peut-être cette maxime : « Quand le mensonge va toujours le premier,la vérité ne trouve plus de place. »   Cet article est paru dans le numéro 38 (août 2016) de Vanity just France. > Abonnez-vous à l’édition numérique (possibilité d’obtenir le numéro en cours immédiatement)

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Source: vanityfair.fr

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